Une adolescente meurt à Orpierre : le drame évitable d’une corde trop courte
- GrimpActu
- il y a 2 jours
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Les falaises d’Orpierre, haut lieu de l’escalade dans les Hautes-Alpes, résonnent d’ordinaire de cris d’encouragement, de cliquetis de mousquetons et de la joie brute d’enchaîner des voies magnifiques. Mais le 18 avril 2024, ce sont des cris d’effroi qui ont transpercé l’air. Ce jour-là, sur le secteur des Blaches, une adolescente de 16 ans a chuté de plus de quinze mètres. Camille ne s’est jamais relevée.
Un an plus tard, le vide qu’elle a laissé continue de peser. Et la question demeure : comment une sortie encadrée par huit adultes a-t-elle pu virer à l’irréparable ?
Une erreur aux conséquences fatales
Ce devait être un stage, comme tant d’autres. Des jeunes du Club Alpin Français (CAF) de Roanne, âgés de 13 à 17 ans, s’étaient donné rendez-vous à Orpierre pour vivre leur passion verticale. Une équipe d'encadrants expérimentés les accompagnait, dans un cadre jugé « classique » et « sécurisé ».
Mais ce jour-là, quelque chose a déraillé. Au moment de redescendre d'une voie d’une trentaine de mètres, Camille est assurée par une autre jeune. La corde utilisée ne fait que 50 mètres. Elle aurait dû en faire 80. Aucun nœud d’arrêt au bout de la corde. Résultat : Camille tombe, violemment. Polytraumatisée, elle est transportée d’urgence à Grenoble. Elle décédera deux jours plus tard, sans avoir repris connaissance.
Procès d’une tragédie : entre douleur et devoir de vérité
Le 15 mai 2025, au tribunal correctionnel de Gap, le drame est rejoué dans les mots. Deux encadrants : l’ancien président du club et le responsable de la section escalade, comparaissent pour homicide involontaire. L’audience est tendue, partagée entre l’immense chagrin des parents et la sidération d’une communauté.
La procureure de la République pointe « quatre déficits » majeurs : formation insuffisante, consignes de sécurité non répétées, organisation floue du matériel, manque de contrôle humain. Un cocktail de relâchement fatal, dans une activité qui n’en tolère aucun.
À l’issue des réquisitions, la procureure de la République a demandé deux ans de prison avec sursis pour chacun des deux encadrants, ainsi qu’une interdiction d’encadrer des activités et une amende de 20 000 € pour le club.
Un appel à la rigueur dans une discipline exigeante
L’escalade est un sport de liberté, de dépassement, de complicité. Mais elle repose aussi sur des protocoles stricts et une vigilance constante. Un nœud non fait, une corde mal choisie, une consigne oubliée : ces détails n’en sont pas. Ils peuvent tuer.
Ce drame résonne comme un électrochoc. Il nous oblige, encadrants, bénévoles, clubs, passionnés, à réinterroger nos pratiques. À faire de la sécurité une obsession lucide, non une simple routine. À se rappeler qu’une grimpe réussie commence bien avant le premier mouvement : au sol, dans les yeux de celui qui vérifie ton baudrier, ton nœud, ton système d'assurage...
On ne peut pas faire confiance au hasard, à l'habitude, au fait qu'il n'y a jamais eu d'accident. C'est ceci qui a amené les négligences.
Procureure de la République de Gap
Ce que nous devons à Camille
Camille ne reviendra pas. Mais son histoire ne peut pas s’effacer derrière un verdict, attendu le 3 juillet. Elle doit rester présente dans chaque corde qu’on déroule, dans chaque briefing avant une sortie, dans chaque regard échangé au pied d’une voie.
Ce drame n’est pas une exception. Il est le rappel brutal que l’escalade, aussi belle soit-elle, ne pardonne aucune négligence. Ce n’est pas la fatalité qui tue, c’est l’habitude. Le relâchement. L’idée que "ça ira bien", parce que ça s’est toujours bien passé.
Chaque club, chaque encadrant, chaque grimpeur doit s’interroger : comment évitons-nous qu’un autre nom, une autre famille, une autre jeunesse ne s’ajoute à la liste ? Camille avait 16 ans. Elle n’aurait jamais dû mourir pour une passion. À nous de faire en sorte que cela ne se reproduise plus.
Corde trop courte : un danger mortel
Avant de grimper, assurez-vous que la longueur de votre corde est adaptée à la hauteur de la voie. Consultez attentivement le topo, posez des questions à d’autres grimpeurs sur place si besoin, et en cas de doute, préférez une marge de sécurité. Une corde de 70 m pour une voie de 35 m n’est pas une sécurité : elle est une nécessité.
➡️Les bons réflexes :
Toujours faire un nœud au bout de la corde, que ce soit en moulinette, en rappel ou en grande voie. Ce simple geste peut stopper une chute mortelle.
Étiquetez vos cordes clairement si vous avez plusieurs longueurs dans le groupe (ex. "50 m", "80 m"), pour éviter toute confusion.
Vérifiez mutuellement les extrémités de la corde avant chaque descente ou assurage.
Ne vous fiez jamais à la routine : une seule inattention peut suffire.

✍️: Théo de GrimpActu
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