top of page

Ouvrir un bloc à Fontainebleau : entre passion, création et respect

  • Photo du rédacteur: GrimpActu
    GrimpActu
  • il y a 1 jour
  • 6 min de lecture

Ouvrir un bloc, c’est peut-être l’un des derniers gestes "sauvages" de l’escalade. Une activité à la frontière entre exploration, création et humilité. Dans la forêt de Fontainebleau, pourtant parcourue depuis plus d’un siècle, il reste encore des lignes silencieuses, invisibles aux yeux pressés.


Il suffit parfois d’un regard un peu plus curieux, d’un détour hors sentier ou d’une lumière rasante pour qu’un nouveau passage prenne forme. Ouvrir, c’est alors entrer en dialogue avec le rocher, et laisser une trace : parfois éphémère, parfois mythique.


Dans cet article, nous partageons une réflexion sur ce que signifie "ouvrir un bloc" à Bleau : l’envie, la technique, les règles du jeu, les écueils, mais aussi la joie de participer à une histoire collective qui continue de s’écrire, prise après prise.


Ouvrir un bloc à Fontainebleau
@Nicolas Vaillant

Fontainebleau : un siècle d’ouverture, de passion et d’audace

Depuis plus d’un siècle, la forêt de Fontainebleau est un terrain unique pour les grimpeurs, où l’histoire de l’escalade s’écrit directement sur le grès. Il y a environ 35 millions d’années, la mer recouvrait cette région, laissant derrière elle des dunes de sable qui, avec le temps, se sont transformées en blocs de grès aux formes variées, fragiles à l’intérieur mais robustes en surface.


À partir des années 1910, des pionniers comme Jacques de Lépiney et Pierre Allain ouvrent les premiers blocs, posant les bases d’une discipline en pleine évolution. Les décennies suivantes voient apparaître des blocs majeurs, comme « La Marie Rose » en 1946, premier 6a référencé, ou encore les exploits des années 80 avec des ouvreurs comme Jacky Godoffe, qui marque l’histoire avec des passages comme « C’était demain » (8a) ou « Mouvement perpétuel » (8b).


L’équipement a lui aussi évolué : ce n’est qu’à la fin des années 90 que le crashpad apparaît, permettant une pratique plus sûre et plus engagée.


Aujourd’hui, grimper à Fontainebleau, c’est aussi entrer en dialogue avec cette histoire, s’inscrire dans une tradition de passionnés et contribuer à faire vivre cette forêt emblématique.


C’est dans cet esprit que nous avons questionnés deux grimpeurs/ouvreurs, Fanny et Loïc, qui vivent cette passion au quotidien. À travers leurs témoignages, se dessine une autre manière d’habiter la forêt et de participer, à leur échelle, à l’histoire du bloc à Bleau.


Ouvrir un bloc : entre intuition, méthode et rencontre

Ouvrir un bloc, c’est poser un regard neuf sur un rocher que d’autres ont peut-être déjà croisé sans le remarquer. Imaginer une ligne là où il n’y a, à première vue, que de la pierre et de la mousse. C’est un acte de création, de lecture du relief, une forme de dialogue entre le grimpeur, la matière, et la forêt.


C’est ce que raconte Fanny, grimpeuse passionnée depuis l’enfance : « Un jour comme un autre, je me promenais avec mon chien, « Shadow », au fin fond de la forêt. J’ai trouvé un bloc très chouette, et j’y suis retournée le lendemain pour le brosser, le grimper et le cartographier. Ça m’a fait vibrer ! Depuis, je suis devenue boulimique de l’ouverture »


Certaines ouvertures naissent comme ça, d’une errance ou d’une intuition. D’autres naissent d’un regard plus stratégique. Loïc, grimpeur expérimenté installé à Bleau, explique : « Mon déménagement à Fontainebleau a pas mal changé mon rapport au lieu. D’ailleurs, dès les premiers mois sur place, j’ai réalisé ma première “première ascension”. Comme maintenant j’habite à moins de 10 minutes à vélo du secteur le plus proche, j’ai rapidement grimpé tous les classiques de ce petit secteur : Le rocher d’Avon. C’est alors que j’ai commencé à regarder le rocher avec un autre œil. Et s’il restait des lignes à ouvrir dans ce secteur pourtant déjà bien développé ? Je me suis alors tourné vers un des plus beaux blocs du secteur, appelé “Master of Puppets”, côté 7b. Je me suis demandé s’il était possible de suivre une ligne de petites préhensions pour mener au départ debout de “Master of Puppets”. C’est ainsi que j’ai ouvert “Master of Puppies” (je venais d’adopter un bébé chien), une ligne à la gestuelle très intéressante que j’ai décidé de coter 8a. Depuis, la ligne a été répétée, répertoriée, et a l’air d’être appréciée des grimpeurs. C’est une vraie joie d’entendre que le bloc s’enchaîne bien et qu’il plaît aux autres ! On a l’impression d’avoir laissé une petite empreinte pour l’escalade dans la forêt de Fontainebleau.


Mais qu’il s’agisse d’un coup de cœur ou d’une démarche plus méthodique, l’ouverture d’un bloc commence bien avant le premier essai, et se poursuit bien après la réussite d'une section.


Ouvrir un bloc à Fontainebleau
@Nicolas Vaillant

Le travail de terrain : nettoyage, essais et ajustements

Une fois le bloc repéré, la vraie aventure commence. Il faut brosser la surface, enlever la mousse, la terre et les feuilles qui recouvrent les prises. On vérifie que tout est stable, quitte à enlever les éléments dangereux. Ce travail peut paraître fastidieux, mais il est indispensable : c’est là que le bloc se révèle.


Viennent ensuite les essais. On teste les prises, on enchaîne les mouvements, on tombe, on ajuste. Parfois la ligne paraît impossible. Il faut alors modifier la séquence, ou même envisager de créer une variante plus logique. Ce processus peut prendre des jours, des semaines, parfois plus.


Loïc raconte : « En réalité, j’ai l’avantage d’avoir un niveau relativement élevé en bloc, ce qui me permet de me tourner vers des lignes peu prisues et souvent discrètes, dans des secteurs déjà bien développés. Il faut alors garder l’esprit ouvert, imaginer des lignes qui paraissent presque impossibles, tâter les prises et tester les mouvements sans avoir de certitudes que le bloc passe. Le rocher de Fontainebleau étant très adhérent, il est possible de tenir des prises qui paraissent quasi intenables à la simple vue et sans magnésie dessus. C’est de cette façon que j’ai par exemple pu ouvrir Master of Puppies ou encore L’Épaule du Gain, 8a+ au Calvaire. Parfois aussi, on brosse des lignes, et c’est simplement impossible.»


Ce travail se fait souvent à plusieurs. On partage les idées, on affine les cotations. Mais l’ouverture demande aussi de la solitude, de la persévérance et un certain entêtement à revenir encore et encore.


Fanny, de son côté, souligne un autre plaisir dans l’ouverture : «  Ce qui me plaît le plus, ce n’est pas forcément de faire la « First Ascent », mais c’est surtout bartasser et cartographier. J’apprécie sortir ma boussole pour pouvoir fournir la localisation précise des blocs. Il est quand même important de préciser que malgré ma passion pour l’ouverture, j’essaie au maximum de respecter le lieu dans lequel je suis. »


Ouvrir un bloc à Fontainebleau
@Nicolas Vaillant

Respecter l’écosystème fragile de la forêt de Fontainebleau

La forêt de Fontainebleau n’est pas qu’un terrain de jeu, c’est un écosystème fragile. Chaque plante, insecte, chaque rocher joue un rôle dans cet équilibre. Le grès lui-même, bien que solide en apparence, peut se dégrader s’il est maltraité.


Ouvrir un bloc implique donc de le faire en connaissance de cause. Ne pas piétiner la végétation, ne pas creuser au pied des blocs, utiliser des brosses adaptées pour ne pas agresser la roche, éviter le pof et utiliser la magnésie avec parcimonie : tout cela fait partie du rôle de l’ouvreur.


Certains secteurs sont interdits à la grimpe pour protéger la faune ou la flore. La création de circuits, quant à elle, est encadrée par la Commission d’Escalade Bellifontaine (Cosiroc), en lien avec l’ONF. Ouvrir, c’est donc aussi se renseigner, s’adapter et parfois renoncer.


Fanny le rappelle : « Il y a beaucoup de blocs que j’aurais aimé brosser, mais que j’ai laissés sous la mousse pour y préserver l’écosystème qui y vit. J’espère pouvoir encore longtemps brosser des pépites dans cette forêt mythique ! »


Défis environnementaux liés à la croissance de la pratique

Avec l’arrivée des beaux jours, la forêt de Fontainebleau voit affluer un nombre croissant de grimpeurs venus de toute l’Europe, attirés par la renommée mondiale de ses blocs de grès. Cette popularité s’est accentuée ces dernières années, portée par l’essor des salles d’escalade, la médiatisation du sport et les réseaux sociaux. Cependant, cette affluence grandissante exerce une pression importante sur un écosystème fragile. Les sentiers et les abords des secteurs emblématiques, comme Cuvier ou Apremont, souffrent d’une érosion marquée due au piétinement intensif. Le grès, bien que robuste, est aussi vulnérable à l’usure provoquée par le brossage régulier des mousses et lichens, ainsi que par l’usage massif de magnésie qui altère la roche. Par ailleurs, la fréquentation perturbe la faune locale, notamment durant les périodes de reproduction, et génère un surplus de déchets malgré une sensibilisation croissante des pratiquants.


Initiatives locales pour préserver les blocs et la nature

Parmi les initiatives concrètes pour préserver la forêt de Fontainebleau et ses célèbres blocs, l’association Fanatic Climbing se distingue par son engagement régulier dans des journées de nettoyage, comme celle du « Toilettage de printemps » organisé le 6 avril 2025 au bas Cuvier. Plus de 80 bénévoles, grimpeurs amateurs et professionnels, se sont réunis sous un soleil radieux pour ramasser déchets, seringues et autres détritus laissés sur place, tout en débarrassant les blocs de la magnésie accumulée. Ces actions, menées en partenariat avec l’ONF et d’autres associations locales, sont autant d’occasions de sensibiliser la communauté d’escalade à l’importance du respect de l’environnement, en conjuguant passion et responsabilité. Si la tâche reste immense, ces journées illustrent une volonté collective de prendre soin d’un terrain de jeu unique, où chaque grimpeur peut devenir acteur d’une préservation durable.


Ouvrir un bloc à Fontainebleau
@Denis Lejeune

✍️: Théo de GrimpActu

📷 : Nicolas Vaillant - Denis Lejeune

💬: Loïc Debry & Fanny










1 comentario


loldiwan
il y a un jour

Que des hommes sur les photos 😡

Me gusta
Snapinsta_edited_edited.jpg

Camilla Moroni signe une première féminine dans Histoire sans Fin

Snapinsta_edited_edited.jpg

Pepa Šindel enchaîne la légende Action Directe

Snapinsta_edited_edited.jpg

Sorato Anraku et Chaehyun Seo en or à Chamonix

Snapinsta_edited_edited.jpg

Watson et Miroslaw en or à Chamonix

Snapinsta_edited_edited.jpg

Pierre Rebreyend s'offre un record de France de Vitesse

Snapinsta_edited_edited.jpg

Yannick Flohé réussit le premier 8C bloc flash de l’histoire

Snapinsta_edited_edited.jpg

Record mondial : 9 ans et déjà une 8c au compteur

Snapinsta_edited_edited.jpg

Exploit historique féminin sur les parois de Madagascar

Snapinsta_edited_edited.jpg

Jules Marchaland signe la FA de "Raide de Toit" (9A)

Snapinsta_edited_edited.jpg

Siebe Vanhee, seul face à la Voie Petit

GrimpActu : La voix des grimpeur·euse·s passionné·es

GrimpActu est le média communautaire dédié à l’univers de l’escalade sous toutes ses facettes. Plus qu’un simple relais d’actualités de performance, il propose des articles pour progresser, découvrir des spots exceptionnels, s’inspirer d’histoires marquantes et explorer les dernières innovations en matière de matériel. GrimpActu, c’est aussi des conseils bien-être et santé pour grimper durablement et sans blessure. Un média fait par et pour les passionné·es, au service d’une communauté qui partage le goût de la verticalité et de l’aventure.

  • Instagram
  • Facebook
Logo GrimpActu

Abonnez-vous gratuitement à notre newsletter !

Recevez chaque dernier samedi du mois un e-mail gratuit avec les meilleures actus, conseils et inspirations pour progresser en escalade.

Merci pour votre envoi !

bottom of page