L’épaule du grimpeur : blessures fréquentes, prévention simple et rééducation efficace
- GrimpActu
- 8 juil.
- 6 min de lecture
Cet article est rédigé par Carole Fage, Kiné spécialisée dans l’épaule du grimpeur
L’escalade connait un essor considérable depuis son entrée aux Jeux Olympiques en
2020. Mais cette popularité croissante s’accompagne aussi d’une augmentation du nombre de blessures, notamment au niveau des membres supérieurs. D’après les études, l’épaule serait la deuxième source de blessure la plus fréquente en escalade, juste après les doigts.
Cet article propose une synthèse des principaux enjeux autour de l’épaule en escalade :
des pathologies les plus fréquentes aux stratégies de rééducation les plus efficaces.
L’épaule du grimpeur : entre mobilité et stabilité
De par son anatomie, l’épaule est l’articulation la plus mobile du corps humain... mais
aussi l’une des plus instables.
En escalade, elle est soumise à des contraintes très spécifiques, notamment avec
l’essor de la pratique du bloc en salle : blocages, mouvements dynamiques, propulsions,
suspensions prolongées, tractions ... Bref...c’est un vrai défi pour la biomécanique !
Pour faire face à ces exigences, il faut une épaule à la fois mobile, forte et stable.
Les muscles clés qui assurent un bon fonctionnement de l’épaule sont la coiffe des
rotateurs (4 muscles profonds, garants de la stabilité) et les stabilisateurs de l’omoplate,
accompagnés des bourses synoviales qui assurent un glissement fluide et sans douleur.
Une étude récente (Liu & Hou, 2025) a montré que les grimpeurs d’élite ont une meilleure coordination musculaire des membres supérieurs que les débutants. Autrement dit, il ne suffit pas d’être fort·e, il faut aussi bien contrôler ses mouvements !
Ce contrôle moteur, souvent sous-estimé, est essentiel pour préserver l’intégrité de
l’épaule, même lors des mouvements les plus extrêmes.
A l’inverse, un déficit de force ou de contrôle dans ces zones peut vite provoquer une
blessure.

Blessures fréquentes chez le grimpeur
Certaines blessures sont particulièrement typiques chez les grimpeurs :
1- Lésions labrales de type SLAP :
C’est une déchirure du cartilage (labrum) qui stabilise l’épaule (souvent au niveau de
l’insertion du tendon du biceps), souvent provoquée par des mouvements explosifs
comme les jetés ou les chutes.
2- Atteintes de la coiffe des rotateurs :
C’est une pathologie des tendons causée par une augmentation de contraintes des
tissus, des microtraumatismes répétés, souvent liés à un entraînement intense sans
récupération ou à une mauvaise technique.
3- Luxations ou subluxation :
L’épaule se luxe partiellement (subluxation) ou totalement (luxation), souvent après une
chute ou un mouvement brusque sans gainage suffisant.
Les principales douleurs d’épaule non traumatiques sont donc des pathologies de
surcharge : trop, trop intense, trop vite. Nous verrons par la suite comment les prévenir.
Attention ! Certaines douleurs à l’épaule peuvent en réalité provenir d’un problème
cervical. Si la douleur persiste, il est important de consulter un professionnel de santé afin d’écarter cette éventualité. Cela pourrait vous éviter de perdre des mois de grimpe.
Stratégies de prévention :
Ce n’est pas parce que le nombre de blessures à l’épaule sont fréquentes qu’il n’existe pas de solution. Bien au contraire ! Voici quelques principes simples et efficaces pour préserver vos épaules en escalade :
Renforcer la coiffe des rotateurs grâce à des exercices ciblés, et en particulier en
rotation externe : side-lying ER, 90/90 ER, ...
Améliorer le contrôle scapulaire (omoplate) grâce à des exercices spécifiques visant à la fois la mobilité et la stabilité de l’omoplate : pompes scapulaires, mouvements en « Y,T, W » en position couchée, ...
Soigner l’échauffement avec des mobilisations articulaires, une activation musculaire et cardiovasculaire, et des routines dynamiques ciblées pour préparer l’épaule à la séance qui va suivre.
Optimiser l’usage de la chaîne cinétique : Grimpez avec les jambes, pas seulement les bras ! Ce qui revient à travailler sa technique de grimpe mais aussi à travailler les autres parties du corps (tronc, jambes), pour alléger la charge sur les épaules.
Travailler la stabilité globale de l’épaule en équilibrant le renforcement des différents groupes musculaires (rotateurs externes, antagonistes, etc.), avec des exercices comme les pompes.
Respecter les temps de repos, la récupération, et ne pas ignorer la fatigue pour éviter la surcharge.
Être attentif aux signaux d’alerte : douleurs profondes, sensation d’instabilité, perte de force inexpliquée. Si ces signes apparaissent, je vous conseille fortement de stopper le sport et de consulter.
Exercices recommandés à l’élastique :
Voici quelques exercices simples à l’élastique que vous pouvez intégrer dans votre
échauffement :
Le boxeur : pour activer le dentelé antérieur
L’oiseau : pour cibler les stabilisateurs de l’omoplate (muscles rhomboïdes)
Rotations Externes coude au corps : pour activer la coiffe des rotateurs
Principes de rééducation :
Je vous partage ici 4 principes clés d’un traitement efficace pour retourner grimper sans
douleur :
1- Un bon bilan de l’épaule :
Après une blessure, plusieurs capacités physiques peuvent être altérées : force, endurance, amplitude, contrôle moteur... Il est donc essentiel de faire un bilan complet pour comprendre ce qui se passe et ainsi pourvoir s’orienter vers un traitement adapté.
2- Le meilleur traitement, c’est le mouvement !
Dans la majorité des cas, il faudra éviter d’immobiliser l’épaule (sauf exceptions). S’il n’y a pas eu de traumatisme, le traitement de première intention sera très souvent le mouvement et la remise en charge progressive des différents tissus. Le bilan permettra de définir et de planifierles exercices thérapeutiques les plus adaptés pour retrouver une épaule fonctionnelle : contrôle moteur, travail de mobilité, renforcement, etc...
Au début, ce seront surtout des exercices de mobilisation et d’activation musculaire. La
gestion des contraintes et de la douleur seront primordiales à cette étape.
Ensuite, nous pourrons augmenter de manière graduelle la charge de travail, et
réintroduire petit à petit des exercices spécifiques au sport pour enfin se rapprocher des gestes techniques propres à l’escalade.
3- Intégration du travail de la chaîne cinétique :
Le travail des membres inférieurs, des muscles du tronc et des membres supérieurs est
complémentaire. Il est donc important de travailler non seulement l’épaule, mais aussi le reste du corps pour optimiser le retour au sport. Vous pouvez profiter de cette blessure pour travailler sur vos points faibles !
4- Continuer de grimper ?
Lorsque cela ne met pas en péril la récupération de l’épaule, il sera intéressant de
continuer à grimper. Tout d’abord pour garder le moral , mais aussi pour ne pas prendre son niveau et sa technique. L’idée sera d’adapter la grimpe de manière progressive, tant au niveau du volume que de l’intensité. Attention ici à ne pas vouloir aller trop vite ! Et si vous ne pouvez pas grimper pour le moment, je vous invite à rester actifs ! Aller courir ou faire du vélo peut être bénéfique pour préparer le retour au sport.
Conclusion :
Nous avons vu que l’articulation de l’épaule est très sollicitée en escalade, ce qui entraîne de nombreuses blessures. Mais il est tout de même possible de prévenir l’apparition de celles-ci grâce à des stratégies spécifiques au sport, comme la gestion de la charge ou l’utilisation optimale de la chaîne cinétique. Si la douleur est déjà là, il existe des principes importants à respecter pour accélérer et optimiser la guérison.
Il faut parfois s’armer de patience, mais le respect d’un schéma de rééducation progressif et individualisé est la clé pour retourner sur les murs à son meilleur niveau tout en évitant les risques de récidive.
Merci pour la lecture, Si je peux vous donner un dernier conseil en tant que kinésithérapeute spécialisée dans la rééducation des douleurs d’épaule chez les grimpeurs : n’attendez pas que la douleur s’installe pour agir ! Ainsi vous éviterez qu’elle devienne chronique et qu’elle ne vous éloigne des murs trop longtemps.

Sources :
1- Quarmby, A., Zhang, M., Geisler, M., Javorsky, T., Mugele, H., Cassel, M., & Lawley, J.
(2023). Risk factors and injury prevention strategies for overuse injuries in adult climbers:
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2- Cooper, J. D., Seiter, M. N., Ruzbarsky, J. J., Poulton, R., Dornan, G. J., & Ho, C. P. (2022).
MRI shoulder pathology in asymptomatic elite rock climbers. Orthopaedic Journal of
Sports Medicine, 10(2).
3- Miro, A. P., et al. (2024). Rock climbing-related injuries: mechanisms and sport-specific
rehabilitation. Sports Medicine Reports.
4- Lutter, C., et al. (2019). Evaluation of rock climbing-related injuries in older athletes.
Wilderness & Environmental Medicine.
5- Schöffl, V., Schneider, H., & Küpper, T. (2011). Coracoid impingement syndrome due to
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6- Wong, E. K. L., & Ng, G. Y. F. (2009). Strength profiles of shoulder rotators in healthy sport
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7- Snyder, S. J., Karzel, R. P., Del Pizzo, W., Ferkel, R. D., & Friedman, M. J. (1990). SLAP lesions
of the shoulder. Arthroscopy.
8- Liu, Q., & Hou, W. (2025). Comparative study on psychological characteristics and
biomechanical indicators of rock climbers at different levels: An analysis based on
self‐efficacy, sport motivation, and muscle function performance. *Molecular & Cellular
Biomechanics*, 22(2).
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