RED-S : L’escalade ne peut plus détourner le regard
- GrimpActu
- il y a 3 jours
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : il y a 2 jours
Crises internes, démissions, témoignages bouleversants… l’IFSC s’est retrouvée face à ses contradictions. Aujourd’hui, elle annonce une politique pionnière contre le RED-S. Suffisant pour regagner la confiance ?
Une crise de santé passée sous silence
Depuis des années, le mal est là, tapi dans les vestiaires, sur les murs, dans les regards et les silences. Il s'appelle RED-S : le déficit énergétique relatif dans le sport. Un syndrome insidieux, provoqué par une sous-alimentation chronique, volontaire ou non qui déséquilibre le corps, brise les carrières, détruit parfois les vies.
L’escalade, sport d’équilibre et de puissance, est en première ligne. Et trop longtemps, la Fédération internationale d’escalade sportive (IFSC) a évité le sujet. Jusqu’à ce que deux de ses figures médicales les plus respectées disent stop.

Une démission fracassante
En juillet 2023, les docteurs Volker Schöffl et Eugen Burtscher claquent la porte de la Commission médicale de l’IFSC. Motif : l’inaction totale de la fédération face aux signaux d’alerte. Ces deux médecins, impliqués depuis plus de 20 ans dans la recherche sur les troubles alimentaires dans le sport, dénoncent une organisation sourde, passive, parfois même hostile.
« Nous avons mis en place des outils, collecté des données, proposé des plans d’action. Mais à chaque étape, nous avons été ignorés. »
Leur départ résonne comme un coup de tonnerre. Et pour beaucoup, c’est la confirmation que le problème n’est plus médical. Il est politique.
Janja Garnbret, le choc nécessaire
Quelques semaines plus tard, Janja Garnbret brise à son tour le silence. Dans un message poignant posté sur ses réseaux, la championne olympique s’attaque frontalement à la culture du « plus mince = plus fort » qui gangrène l’élite de l’escalade.
« Voulons-nous élever la prochaine génération de squelettes ? », interroge-t-elle.« Le RED-S n’est pas une médaille. Il tue la santé, lentement. Il faut que ça cesse. »
Son message est un électrochoc. C’est l’icône du circuit qui parle, celle que personne ne peut ignorer. Et derrière elle, des dizaines d’athlètes commencent à s’exprimer, à raconter, à dénoncer à leur tour.

Enfin, une réponse officielle
Presque un an plus tard, la pression semble enfin porter ses fruits. En mai 2025, lors de la réunion médicale annuelle de l’ASOIF à Lausanne, l’IFSC présente une nouvelle politique contre le RED-S, saluée comme une première mondiale.
Cette fois, le discours a changé. Sous la houlette de la professeure Naama Constantini, la Commission médicale dévoile une approche ambitieuse : dépistage élargi, collaboration avec des experts indépendants, formation des entraîneurs, suivi des athlètes, et soutien aux fédérations nationales.
« Il n’existe pas de test unique pour diagnostiquer le RED-S. Il faut une approche globale, humaine, et préventive », explique Constantini.
Ce qui distingue cette démarche de l’IFSC, c’est qu’elle est la première fédération internationale à mettre en place une politique globale dédiée au RED-S. Inspirée par les recommandations du Comité International Olympique, cette politique n’est pas seulement théorique : elle s’applique dès maintenant et entre dans sa deuxième année d’expérimentation.
Lors de la rencontre à Lausanne, la Fédération a souligné l’importance d’un changement de culture, en valorisant une approche centrée sur le bien-être des athlètes. Le message est clair : être fort ne doit plus être synonyme d’être léger à tout prix. Cette politique a permis de sensibiliser l’ensemble de la communauté de l’escalade, de manière à ce que tous les athlètes et Fédérations comprennent les risques et les responsabilités liés au RED-S. La professeure Constantini a ajouté :
« Nous espérons que d'autres suivront cet exemple pour combler les lacunes encore présentes dans de nombreux sports. »
Une avancée… sous surveillance
Cette politique est un signal fort. Mais elle arrive après des années de déni, des témoignages ignorés, et des démissions évitables. Pour beaucoup, la confiance est rompue, et il faudra plus que des mots pour la regagner.
La présence à Lausanne de figures comme le Dr Karen Halsell (vice-présidente de la Commission médicale) ou Silvia Verdolini (responsable R&D de l’IFSC) montre une volonté de crédibilité scientifique. Mais la communauté attend des actes, pas seulement des annonces.
Pour que l’escalade ne trahisse plus ses athlètes
Cette fois, l’IFSC semble avoir compris que l’urgence n’est pas seulement sportive. Elle est éthique. Et existentielle. Car un sport qui pousse ses athlètes à se briser pour briller perd tout ce qui fait sa beauté.
Le courage, aujourd’hui, ce n’est pas de gagner à tout prix. C’est de dire stop.C’est de protéger les jeunes générations. C’est de construire une escalade forte, parce qu’elle est saine.

✍️Théo de GrimpActu
Commentaires