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Laura Pineau & Kate Kelleghan : les premières femmes à réussir la Triple Crown du Yosemite en moins de 24h

  • Photo du rédacteur: GrimpActu
    GrimpActu
  • il y a 5 jours
  • 5 min de lecture

Trois Big Walls légendaires. 2200 mètres de grimpe verticale. 30 kilomètres de marche. Deux orages déchaînés. 23 heures 36 sans sommeil.Pour la toute première fois, deux femmes ont relevé le défi de la Triple Crown en un seul push. Ensemble. Laura Pineau, grimpeuse française de renom, et Kate Kelleghan, Américaine passionnée de grandes voies, ont accompli une performance historique au cœur de la vallée de Yosemite.

Dans cette interview exclusive, Laura nous ouvre les portes d’une aventure hors norme, mêlant amitié profonde, stratégie millimétrée et une détermination à toute épreuve. Découvrez les coulisses d’un exploit où chaque instant comptait.


@Thibaut Marot
@Thibaut Marot

Pour ceux qui ne connaissent pas le Triple Crown, peux-tu nous expliquer en quoi consiste cette performance ?


Le Triple Crown, c’est un peu le combo royal de l’escalade dans la vallée du Yosemite, en Californie. Il s’agit d’enchaîner trois des Big Walls les plus mythiques du coin : Mont Watkins, El Capitan, et Half Dome. En chiffres, ça donne environ 2200 mètres de grimpe, 30 km de marche, et 2000 mètres de dénivelé positif.  La première ascension a été réalisée en 2001 par Dean Potter et Timmy O’Neill, puis répétée par neuf autres équipes masculines, toutes en moins de 24 heures. Une performance de mutants.


Le secret ? L’escalade de vitesse. C’est un joyeux mix d’escalade libre et d’artif où, honnêtement, tous les coups sont permis tant que ça monte vite. Notre technique : on divise chaque Big Wall en deux. La grimpeuse de tête (la leadeuse) ouvre les longueurs, fixe la corde, et la seconde grimpe avec deux poignées et deux étriers, façon ascenseur musclé. Le moment le plus dangereux, c’est quand la leadeuse grimpe avec 15 à 30 mètres de mou sous elle : une chute là, et ça peut devenir une expérience... disons, aérienne. La seconde doit donc grimper comme une fusée pour assurer au plus vite sa partenaire.


Peux-tu nous expliquer la performance que vous avez réalisé avec Kate ?


Avec Kate, notre objectif était clair : faire le Triple Crown en un seul push, sans dormir, comme les neuf équipes précédentes… mais avec une touche féminine en plus. On voulait le faire en moins de 24h, non pas pour battre un record, mais parce que passer sous cette barre, c’est marquer l’histoire du Yosemite.


Et ça n’a pas été de tout repos : deux orages, des dizaines de bornes, les mains et les pieds en feu… mais on l’a fait. 23h36. On a atteint le sommet du Half Dome exténuées, mais euphoriques. Ce rêve est devenu réalité grâce à une équipe de soutien incroyable : famille, ami·es, et même quelques inconnus motivés qui nous ont rejoint à la dernière minute ! Ils ont tout porté, cuisiné, couru avec nous… Certains sont même allés en haut du Half Dome pour être là à la fin. Enfin… presque. Il y avait tellement d’électricité là-haut ce jour-là que seuls deux amis et deux vidéastes ont pu monter jusqu’au sommet. Il y avait une ambiance « fin du monde » en haut du Half Dome et on a du descendre le plus vite possible afin d’éviter de justesse la foudre.


@Jacek Wejster
@Jacek Wejster

Quand as-tu compris que ce projet le Triple Crown en moins de 24h était réellement atteignable pour vous deux ?


Franchement, pendant nos deux mois d’entraînement au Yosemite, on n’était sûres de rien. Il nous a fallu du temps pour atteindre nos temps cibles. Et puis, tout a basculé la dernière semaine : on a enchaîné le Nose en 7h05, Watkins en 4h47, et Half Dome en 6h05. Là, on a compris que c’était possible.


Alors on a tout mis en pause : repos (en théorie), préparation militaire (en pratique). On a briefé notre équipe de soutien comme si on lançait une mission spatiale. Chaque personne savait où être, quand, et avec quoi. Même la météo jouait à cache-cache avec nous, donc on a dû retarder le départ deux fois à cause des orages.


Le moment où j’ai su qu’on allait le faire ? À six longueurs de l’arrivée. J’ai repris la tête de corde, j’ai regardé ma montre, et j’ai su que ça allait passer. J’ai tout donné dans ces dernières longueurs. Mes mollets s’en souviennent encore.


Comment as-tu géré la transition entre grimpeuse "trad" ou libre et le monde de la vitesse et de la performance ?


En réalité, il n’y a pas eu de rupture. J’ai simplement mis tout ce que j’avais appris en trad et en Big Wall au service d’un nouvel objectif. J’avais très peu d’expérience en escalade de vitesse, donc j’ai bossé avec mon coach toulonnais, Jb Beaujon, pour construire un entraînement sur mesure. Nous nous sommes entrainées comme des coureuses d’ultra-trail. Notre montre Coros a été notre meilleure amie car nous avons enregistré chaque nuit et chaque entrainement ce qui nous permettait de connaitre notre niveau de fatigue générale. Ensuite, avec Kate, on s’est directement entrainé sur les trois différentes voies. Rien de mieux que le terrain réel pour se préparer au chaos.


@Jacek Wejster
@Jacek Wejster

Quelle a été la partie la plus dure de ces 23h36 ?


Le moment le plus dur ? Sur Half Dome, entre la 10e et la 12e longueur. Kate menait, j’étais en mode ascension sur poignées. Elle a mis 40 minutes à grimper ces longueurs. Moi, j’étais figée au relais… et littéralement en train de m’endormir. J’ai dû me donner des claques pour rester éveillée. Je me suis vraiment demandé comment j’allais tenir. Mais dès que j’ai repris l’escalade, un second souffle magique m’a traversée. Plus de fatigue, plus de doute. Juste l’envie d’aller au bout.


Ton lien avec Kate semble très fort. Qu’est-ce qui, selon toi, a rendu votre duo aussi efficace ?


Parce qu’on a pris le temps. On savait que cette aventure allait être d’abord humaine, ensuite sportive. Elle est venue grimper à Toulon avec moi cet hiver, puis on s’est retrouvées à Boulder dans le Colorado. Pendant six semaines, on a enchaîné les longueurs, en salle, en trad, et même sur la voie "The Naked Edge" en mode vitesse. Résultat : on a battu le record féminin que Kate détenait avec une autre grimpeuse. Ce petit boost de confiance a été un tournant.


Le Triple a longtemps été effectué par des hommes. Est-ce que tu ressens quelques chose de particulier en tant que première femme à l’avoir réalisée ?


C’est énorme. Le Yosemite, c’est le centre de nos deux univers. Faire quelque chose qu’aucune femme n’avait encore tenté, c’est briser une barrière invisible, une de plus. Beaucoup ne pensaient pas que c’était possible pour nous, encore moins en moins de 24h. On leur a prouvé le contraire, et ça… c’est fort.


Y a-t-il un moment inattendu absurde, drôle ou touchant que personne ne voit sur les photos mais que tu n’oublieras jamais ?


Ah oui : j’ai menti à Kate. Deux fois. Volontairement.

La première fois, sur le haut du Nose. Elle en bavait. Ses mains, ses pieds lui brûlaient, elle n’avançait plus. Alors je lui ai crié qu’elle était en train de battre son record, que c’était son meilleur run (spoiler : c’était faux). Rebelote au milieu de Half Dome.

Le meilleur dans tout ça? Le lendemain, elle m’a dit que ces encouragements l’avaient boostée. Comme quoi, un petit mensonge stratégique peut faire toute la différence. C’est ça, aussi, les grandes aventures : se soutenir, même (et surtout) quand on est au bout.


@Jacek Wejster
@Jacek Wejster

Avec le recul, qu’est-ce que tu retires de cette aventure sur le plan personnel ?


Que je suis capable de beaucoup plus que je ne le pensais. Cette aventure m’a transformée. Maintenant je sais : ma voie est verticale, et je suis faite pour les grandes expéditions, les Big Walls, la grimpe libre comme la vitesse. Je n’avais jamais fait 35 heures d’effort non-stop. Maintenant, je sais que je peux. Et surtout, je sais que c’est se surpasser pour de vrai qui permet de se rencontrer soi-même.


Et maintenant… tu rêves de quoi ?

Honnêtement ? De 15 jours de vacances. Sans corde, sans baudrier, juste un transat.

Mais j’ai aussi des idées en tête… Je vais d’abord savourer ce moment unique.


@Jacek Wejster
@Jacek Wejster




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