Lara Neumeier enchaîne Silbergeier : une ascension légendaire dans le Rätikon
- GrimpActu
- 23 juin
- 3 min de lecture
Le 10 juin 2025, la grimpeuse allemande Lara Neumeier a réussi l’ascension de Silbergeier (8b+, 240 m), l’une des grande voies les plus emblématiques et exigeantes des Alpes. Située sur la Kirchlispitze dans le Rätikon Suisse, cette ligne est une légende, une épreuve aussi physique que mentale, que peu de grimpeurs osent réellement affronter. Et pourtant, Lara l’a fait en 3,5 jours de travail, et un seul jour pour l’enchaînement. Une performance exceptionnelle qui confirme son statut grandissant parmi les grimpeuses d’élite.

Silbergeier : une légende verticale
Ouvert par Beat Kammerlander au début des années 90, Silbergeier est plus qu’une voie, c’est une épreuve initiatique. Avec ses six longueurs soutenues (8b, 7c+, 8a+, 7a+, 8b+, 7c+/8a), elle combine dalles techniques, prises coupantes, et mouvements exigeant une précision millimétrique. C’est une épreuve aussi mentale que physique, un combat contre la verticalité et soi-même. Nombreux sont ceux qui rêvent de l’enchaîner. Peu y parviennent. Lara Neumeier rejoint ainsi un cercle très restreint de grimpeurs d’élite ayant dompté cette ligne vertigineuse, suivant les traces de sa coéquipière Nina Caprez, première femme à signer l’ascension complète.
Une ascension marquée par les imprévus
L’histoire de cette réussite n’est pas celle d’un enchaînement fluide sous ciel bleu. Non. C’est celle d’une persévérance sans faille, d’un mental à toute épreuve. Lara découvre Silbergeier en mai. En quelques jours, elle déchiffre les premières longueurs, s’habitue au style fin et délicat… mais pas encore de crux. Le mauvais temps s’installe.
Trois semaines de pluie et d’instabilité. Loin de baisser les bras, elle met ce temps à profit : repos, récupération, préparation mentale.
Quand enfin une fenêtre météo s’ouvre, tout semble jouer contre elle : douleurs physiques, imprévus mécaniques... même une prise clé se casse dans la longueur crux.
«J’avais mes règles, une facture de réparation de voiture salée, et des amis m’ont appelée pour m’annoncer qu’une prise clé du crux venait de casser. Et puis, à quelques kilomètres du parking… ma voiture est encore tombée en panne. Honnêtement, je n’étais même pas sûre d’arriver jusqu’à la paroi. Mais d’une manière ou d’une autre, j’y suis arrivée.» confie-t-elle.

Et pourtant, elle y est. Elle grimpe. Fatiguée, mais concentrée. Et quelque chose bascule. L’énergie revient, le mouvement devient instinct. Elle enchaîne. La dalle cède. La prise cassée ne freine pas son passage...
«La journée a commencé lentement. J’étais fatiguée, pas vraiment dedans. La première longueur m’a explosée mais je suis passée. Et là, quelque chose a changé. J’ai commencé à grimper avec concentration et précision. Quand je suis arrivée au crux, j’ai retravaillé la séquence et même si une prise cruciale avait cassé la veille, ma méthode fonctionnait toujours. J’ai attendu que l’ombre arrive. J’ai pris une grande inspiration. Et j’ai enchaîné.
Il restait une dernière longueur. Des mouvements blocs, bien piégeux. J’ai pris le temps de comprendre, j’ai tout donné et j’ai topé !!»
Un projet plus grand : l’Alpine Trilogy
Cette ascension n’est pas une fin en soi, mais le premier acte d’un projet encore plus ambitieux : l’Alpine Trilogy. Trois voies mythiques, trois piliers de la grimpe alpine moderne : Silbergeier (Rätikon, Suisse), End of Silence (Berchtesgaden, Allemagne) et Des Kaisers neue Kleider (Wilder Kaiser, Autriche). Trois chefs-d'œuvre verticaux, imaginés par Kammerlander, Albert et Güllich. Lara veut les enchaîner tous. Et elle vient de cocher la première case.
«Parfois, on se rend compte que ce n’est pas une question de conditions parfaites ou de timing idéal c’est juste le fait d’être là, malgré tout, et de tout donner. »
Initiée dans les années 1990, l’Alpine Trilogy regroupe trois grandes voies devenues légendaires dans le monde de l’escalade alpine moderne. Toutes cotées 8b+, elles représentent un défi extrême, à la fois physique, mental et logistique. Chaque voie a été ouverte par une figure emblématique de l’époque : Silbergeier, dans le Rätikon suisse, a été équipée et libérée par Beat Kammerlander en 1993. End of Silence, tracée dans le massif du Feuerhorn à Berchtesgaden (Allemagne), a été réalisée par Thomas Huber en 1994. Enfin, Des Kaisers neue Kleider, au cœur du Wilder Kaiser en Autriche, a été ouverte la même année par Stefan Glowacz. Trois lignes d’exception, devenues des piliers de la grimpe alpine, que seuls quelques grimpeurs au monde ont réussi à enchaîner.

✍️ Théo de GrimpActu
💬 Lara Neumeier
📸 Ray Demski
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