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Nina Caprez : L'équilibre entre maternité et passion pour l'escalade


Dans la plus part des livres consacrés à la grossesse, on retrouve systématiquement l'escalade comme activité à proscrire, avec comme raison principales : "activité à risques, risque de chute de pierres" Ne soyons pas si catégorique.


Pendant la grosse, il est recommandé de discuter avec votre professionnel de santé avant de participer à des activités physiques intenses ou à risque élevé.

Chaque grosses est unique, certaines femmes sont alitées des le quatrième mois, d'autres n'ont aucun symptôme gênant la pratique de l'escalade.


Nina Caprez nous a fait l'honneur de partager son témoignage sur son expérience pendant et après sa grossesse. Elle se confie avec sincérité et profondeur sur les défis, les joies et les leçons apprises tout au long de cette période unique de sa vie...


Nina Caprez est une grimpeuse suisse de 36ans. Elle a grandi en montagne entre ski et autres sports montagneux. Elle découvre l'escalade à 13ans grâce au club alpin suisse. À 17ans elle tombe amoureuse de l'escalade sportive, elle effectue ses premières compétitions. À 19ans elle rejoint l'équipe nationale suisse avant d'arrêter de concourir à 22 ans pour se consacrer à l'escalade en milieu naturel, la grande voie devient alors sa discipline phare.



L'escalade pendant la grossesse :

Pour Nina, la grossesse a été une période de redécouverte et de réinvention de sa pratique de l'escalade. "La grossesse m'a aidée à m'éloigner de la performance," confie-t-elle. Dès le début, elle a continué à grimper en tête, en choisissant soigneusement des profils où les chutes étaient plus agréables, comme les dévers. À partir du cinquième ou sixième mois, elle a opté pour la moulinette, ce qui lui a permis de continuer à grimper en toute sécurité.


"Et bien moi, ça m'a vraiment fait du bien parce que la grossesse m'a aidée à m'éloigner de la performance. Au début, je grimpais encore en tête, je faisais attention de ne pas trop chuter ou je faisais en sorte de regarder les profils où les chutes sont plus agréables, comme les dévers où les chutes sont assez douces. Ensuite, progressivement, je suis passée à la moulinette. À partir du cinquième ou sixième mois, je crois. Et du coup, j'ai redécouvert que je pouvais grimper assez dur parce que je pouvais tomber à nouveau et ça m'a fait plaisir d'évoluer. J'ai toujours été vraiment à l'écoute de mon corps. Je n'ai jamais beaucoup forcé, je me suis beaucoup reposée. La falaise m'a vraiment servi pour prendre l'air, pour voir les copains, pour tout le côté social et pas forcément pour aller grimper et faire du dur.


Donc, j'ai grimpé en tête pendant environ cinq mois puis, après, je suis gentiment passée à la moulinette et j'ai grimpé jusqu'à six semaines avant le terme parce que c'était le sport qui me faisait vraiment beaucoup de bien. Contrairement à la marche ou au vélo, je ne me sentais pas de les pratiquer. J'avais les pieds très gonflés et marcher était pénible, surtout pour de longues distances. Quant au vélo, je n'étais pas assez sûre de moi, je tombais souvent, donc je ne voulais pas prendre de risques. L'escalade, j'en fais depuis 25 ans et c'est là où je me suis sentie à la maison. Ça m'a servi comme point d'ancrage dans ce moment de transition où le corps et l'esprit changent et se dirigent vers autre chose, ça m'a servi un peu comme un pilier stable."



Les défis étaient nombreux, notamment la difficulté de voir ses pieds et de trouver des chaussons adaptés. "Mes pieds ont vraiment gonflé, donc c'était un peu la galère niveau les chaussons," se souvient-elle. Malgré les inquiétudes initiales de son conjoint, Jérémy, il a rapidement vu les bénéfices de l'escalade pour Nina et l'a encouragée à continuer.


"Les plus grosses difficultés pendant la grossesse étaient de voir ses pieds. Avec un ventre assez conséquent, voir ses pieds était vraiment un challenge. C'était aussi difficile de trouver des chaussons adaptés, qui soient à la fois confortables mais pas non plus des pantoufles, car j'avais envie de grimper précisément et mes pieds étaient vraiment gonflés, donc c'était la galère au niveau des chaussons. Au début, même mon conjoint avait un peu peur pour moi parce que je voulais continuer à grimper, mais après, il a très vite vu que je faisais ça avec une certaine sagesse, avec du recul, sans prendre de risques, il voyait que ça me faisait du bien, donc il m'a encouragée à continuer.


Les changements du corps affectent beaucoup de choses mais tout est temporaire. Comme je l'ai déjà dit, à un moment, on a du mal à voir ses pieds, mais par contre, on est extrêmement souple. Après, on perd vraiment la force dans les biceps, donc on grimpe un peu mal, en se tordant dans tous les sens, mais c'était drôle. Franchement, j'ai vu ça comme un jeu et j'en ai vraiment ri. J'ai pris du plaisir à grimper différemment pendant ces sept mois et demi de grossesse."



La reprise après l'accouchement :


Nina a repris l'escalade un mois après un accouchement naturel sans complications. "J'ai attendu un mois avant de reprendre toutes sortes de sport," raconte-t-elle. Elle a commencé par des exercices doux de kiné, similaires à des séances de Pilates et de yoga, pour réactiver les petits muscles profonds. Sa récupération rapide a été facilitée par une écoute attentive de son corps et une absence de blessures majeures.


" J'ai attendu un mois avant de reprendre toutes sortes de sport. J'ai eu la chance de pouvoir accoucher naturellement par voie basse, donc pas de péridurale, pas de médicaments, même pas de doliprane. J'avais vraiment confiance en moi que ça allait sortir naturellement. Donc, par miracle, je n'ai pas eu de blessure, pas de points, rien. La reprise a été assez rapide. J'ai quand même attendu un mois à cause des saignements. Il faut que tout se remette en place petit à petit. Ça s'est vraiment bien passé, donc j'ai repris un mois après l'accouchement et pendant les deux mois qui ont suivi, c'était vraiment la grimpouillette. J'étais contente d'être dehors, de toute façon, on est dans une espèce de nuage de fatigue et d'émerveillement avec ce nouveau-né. J'ai vu ça comme un truc très positif. Je n'avais pas d'attente, j'étais vraiment à l'écoute de mon corps et de ma fatigue physique et mentale.



J'ai suivi des séances de kiné qui donnaient des exercices aux femmes après l'accouchement. Ce n'était pas très différent d'une bonne séance de Pilates et un peu de yoga. On a fait des petits exercices tout doux pour que les petits muscles profonds puissent se réactiver. J'ai vraiment eu de la chance que mon périnée se soit bien remis.


Deux ans après mon accouchement, j'ai l'impression que je suis comme avant, il n'y a rien, c'est assez miraculeux. La maternité et la passion pour l'escalade, c'est plus une question d'organisation, mais physiquement, en tout cas, j'ai l'impression qu'un accouchement n'est pas une chose qui ralentit les femmes, qui les handicape ou qui détruit des choses pour le futur, si ça se passe bien bien sûr. Il y a beaucoup de cas où ça ne se passe pas très bien. En tout cas, pour moi, c'est juste le combat de l'organisation entre les emplois du temps, la maternité. J'ai envie de grimper mais j'ai très envie aussi d'être présente pour ma fille. Donc, c'est un truc qui évolue tout le temps parce que les enfants évoluent à une vitesse phénoménale. Ça change tout le temps, on évolue, on change. Mais je n'ai encore jamais été au point de lâcher l'escalade. Ça a toujours été pour moi un point de ressources, de philosophie parfois, ou juste pour me retrouver en tant que grimpeuse et pas juste en tant que maman."



L'Équilibre entre maternité et escalade :


Pour Nina, l'équilibre entre la maternité et l'escalade repose sur l'organisation et le soutien de son partenaire. "Le souhait de vouloir un enfant, c'était vraiment une décision à deux et on l'assume à deux," affirme-t-elle. La maternité a changé ses priorités et sa vision de la vie, la rendant plus à l'écoute de son corps et de ses besoins.


"Le processus d'être enceinte, d'accoucher, d'avoir un bébé, change beaucoup les priorités et la vision des choses. Aujourd'hui, je me contente de tourner une heure sur mon pan à la maison plutôt que de faire des sorties. Quand je n'ai pas eu le temps de sortir, je ne suis pas frustrée à la maison. J'essaie de faire le maximum et quand j'ai vraiment des journées ou des semaines de libre pour grimper, je savoure encore plus qu'avant. L'escalade m'a toujours fait du bien et si on aime grimper avant l'accouchement, c'est aussi important de retrouver ce plaisir après.


Je pense que le souhait de devenir parents est vraiment un souhait à deux. J'ai réussi à redevenir aussi forte parce que c'était une décision commune et on l'assume à deux. C'est vraiment un travail d'équipe, je ne saurais pas comment m'en sortir sans Jérémy. Sur le plan physique, si tout se passe bien, il n'y a aucune raison de ne pas être aussi forte, voire plus forte qu'avant. Ce qui a changé, c'est que je suis devenue plus douce et à l'écoute de mon corps. Je ne me pousse plus jamais trop loin parce que je sais m'arrêter et aussi parce que j'ai moins de temps pour grimper. Donc forcément, le corps est plus reposé. Je pense que c'est compatible de vouloir faire une carrière sportive après. Ce qui est important, c'est d'avoir du soutien de son partenaire et un environnement sain et reposant."



Une nouvelle perspective :


La maternité a apporté une nouvelle perspective à la vie de Nina. "Tout ce à quoi j'ai toujours aspiré dans ma vie, ce sont des choses que je peux toujours faire avec ma fille," dit-elle. L'escalade reste une source de connexion avec la nature et de bien-être, même avec un enfant. "Tout est encore possible avec un enfant," affirme-t-elle.


"La plus grande leçon que j'ai apprise en combinant escalade et maternité, c'est que tout ce à quoi j'ai toujours aspiré dans ma vie, dans mes profondes envies d'escalade, ce sont des choses que je peux toujours faire avec ma fille. J'ai toujours aspiré à vivre une vie dehors, à passer mes journées dehors, à échanger avec les gens, à respecter la nature. Quand je grimpe, c'est encore plus fort parce que je suis vraiment connectée au caillou. Même si je suis juste dehors, ça me rappelle pourquoi je grimpe et pourquoi ça me donne autant d'énergie. Tout cela est encore possible avec un enfant, avec des enfants. Ça m'a ouvert les yeux et ça m'a fait revenir aux bases de l'escalade."



Une anecdote pour terminer :


"Je suis une fille qui aime bien se dépasser, souffrir. J'aime bien en baver, la douleur a toujours fait partie de ma vie. Pendant les 9 mois de grossesse, j'avais une seule envie, c'était de souffrir à nouveau parce que je passais 9 mois à me reposer. C'était inhabituel pour moi. Quand je disais ça à mon entourage cela les faisaient rigoler, je disais que j'avais tellement hâte d'accoucher parce que ce serait un challenge et que j'avais envie de souffrir parce que ça me manquait. Dans ma tête, je me préparais à l'instant T, je me disais que je comparerais ça à un enchaînement d’une voie extrême. Mais en réalité, c'était 100 fois plus dur et 100 fois plus douloureux que ce que j'avais imaginé.


C'est ça aussi, ces moments : tout est tellement plus fort, les émotions, les douleurs, les joies, tout est multiplié par 100. En tout cas, ça m'aide à relativiser , une femme peut vivre une chose extraordinaire en donnant vie à un nouveau-né avec tout ce qu'elle doit traverser."


🖍 Introduction : Aurelie Dutertre - Blessures et traumatismes en escalade

💬 : Nina Caprez

📷 : Jérémy Bernard

✏ : GrimpActu.



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