L'escalade, une passion qui peut prendre bien des formes. Pour Alexis Landot, cette passion s'est transformée en une quête audacieuse à travers les gratte-ciel et les structures urbaines, défiant les lois de la gravité et repoussant sans cesse les limites du possible.
Dès son plus jeune âge, l'appel des hauteurs résonnait en lui. Des clichés le montrent déjà, enfant, escaladant de modestes rochers à Bleau, avant même qu'il ne sache parler. Mais ce sont les imposants gratte-ciel qui ont captivé son imagination, notamment en voyant les exploits d'Alain Robert, le célèbre Spider-Man des temps modernes, et les scènes d'action épiques de films. Grandissant dans un environnement urbain, les montagnes de béton sont devenues son terrain de jeu naturel.
"Depuis tout petit, j'ai été passionné par l'escalade. Comme beaucoup d'autres grimpeurs, ce besoin m'a animé dès mon plus jeune âge. Il existe des photos de moi en train de grimper de petits rochers à Bleau à un âge où l'on ne sait pas encore parler, ahah. En grandissant, mon intérêt s'est tourné vers les gratte-ciel, devenant ainsi une véritable obsession. Je peine à expliquer la première cause de cet attrait pour l'urbain, mais la découverte d'Alain Robert et des films d'action comme Mission Impossible ont clairement contribué à nourrir cette passion. Ayant grandi en ville, il était naturel pour moi de me tourner vers les montagnes urbaines. Un gratte-ciel se dressait en face de chez moi, visible par la fenêtre depuis mon plus jeune âge, et j'ai toujours rêvé de le grimper. En découvrant la discipline du parkour pendant mon adolescence, j'ai réalisé que les limites étaient souvent dans ma tête."
L'attrait pour l'escalade urbaine ne se réduit pas seulement à la recherche de sensations fortes, mais aussi à une exploration de soi-même. Alexis a découvert dans le parkour, pendant son adolescence, que les limites étaient souvent plus mentales que physiques. Avant chaque ascension, c'est le chaos dans sa tête, une tourmente d'émotions et de sensations physiques intenses. Mais dès les premiers mètres gravis, une transformation s'opère. Son esprit se concentre uniquement sur la tâche à accomplir, éliminant toute peur ou distraction. Seul compte alors le défi immédiat, la connexion intense entre son corps et la structure qu'il escalade.
"Avant une grimpe, c’est le chaos dans ma tête. Je ne me sens pas bien et je suis soumis à pas mal de facteurs que je ne peux pas contrôler (l’adrénaline, par exemple). J'ai la bouche extrêmement sèche, le teint pâle, le champ de vision qui se réduit, les épaules et les jambes lourdes, souvent la chair de poule, et de plus en plus de mal à me concentrer sur ce qui m’entoure. Mais petit à petit, je rentre dans ma bulle. J’ai l’impression que ce que je ressens avant de grimper est assez similaire à ce que ressent un combattant avant de rentrer dans la cage. En tout cas, c’est ce que je conclus après avoir entendu des témoignages.
Mais lorsque je commence à grimper, mon cerveau est uniquement concentré sur une tâche bien précise : celle de rester en vie. Je n’ai plus aucune peur ni aucune pensée parasite. Et je commence à me sentir beaucoup mieux à partir des 15 ou 20 premiers mètres car je suis en action. Ma survie ne dépend que de moi-même, et c’est moi qui ai les rênes."
La grimpe urbaine est une danse avec le danger, une performance où chaque mouvement compte. Un simple détail architectural peut transformer une escalade facile en un défi insurmontable, et vice versa. Pour Alexis, la préparation minutieuse est essentielle. Contrairement à Alain Robert, dont l'approche audacieuse privilégie le danger et l'improvisation, Alexis recherche la sérénité et la planification dans ses ascensions.
"Je dirais que la grande différence par rapport à l’escalade traditionnelle, c’est au niveau de la répétition des mouvements. Un seul détail dans l’architecture du building, et la grimpe peut passer d’une escalade facile à absolument inenvisageable. Mais l’inverse est vrai aussi ! Alain Robert et moi sommes aux antipodes en ce qui concerne l’approche de l’escalade. Selon moi, c’est le meilleur grimpeur au monde, mais je suis incapable de me mettre à sa place, ahah. Il a toujours voulu frôler les limites et grimper des voies en solo très audacieuses à vue, en se mettant dans le rouge. Je cherche tout l’inverse, je cherche à grimper le plus sereinement possible et à préparer mes escalades au maximum."
Parmi ses exploits les plus mémorables figure l'ascension de la fissure de la tour Franklin à la Défense, un défi qui a testé ses limites physiques et mentales. Mais pour lui, ce n'est que le début. Toujours orienté vers la performance, Alexis repousse sans cesse les frontières de ses capacités.
"Ma grimpe la plus difficile ? Je pense que c’était l’escalade de la fissure de la tour Franklin à la Défense. Pour l’instant, je n’ai rien fait d’exceptionnel donc c’est dur de répondre à cette question, mais on travaille pour monter le niveau. En ce qui concerne la manière de choisir mes défis, je suis complètement orienté par la performance. C’est d’ailleurs ça qui me différencie d’un explorateur urbain ou roofer, qui va plutôt chercher le côté artistique, à prendre la plus belle photo possible ou à se suspendre d’une grue. Il y a un côté artistique à ce que je fais, mais c’est avant tout la performance qui me pousse."
Certains peuvent considérer l'escalade urbaine comme une activité dangereuse et illégale, mais pour Alexis, c'est bien plus que cela. Sa relation avec la police est empreinte de respect et de compréhension mutuelle. Bien que l'escalade urbaine comporte des risques, il insiste sur le fait qu'elle est pratiquée de manière réfléchie et contrôlée.
"Concernant ceux qui considèrent l’escalade urbaine comme quelque chose de dangereux et illégal, je les invite à passer me voir après une grimpe pour qu'ils puissent voir la relation que j'entretiens avec la police. Je pense qu'ils seraient surpris ! Blague à part, c’est une discipline évidemment extrêmement dangereuse au même titre que le solo traditionnel, mais sur l’aspect légalité, je ne peux pas en dire trop. Mais ça ne se passe absolument pas comme la plupart des gens pourraient le penser. Je n’ai jamais eu d'imprévu majeur pendant une grimpe, seulement des petites broutilles. Je me souviens qu'au niveau des 20 premiers mètres de la tour Montparnasse, j’ai réalisé que mon sac à magnésie était à l’envers (la magnésie tombait). J’ai dû trouver une solution pour défaire le nœud et replacer mon sac à l’endroit."
Au-delà de l'adrénaline des ascensions, Alexis trouve l'inspiration dans la musique. Membre d'un groupe de musique nommé Going Forward, il puise dans différents styles musicaux, comme le metal et la synthwave, pour trouver la motivation et l'énergie nécessaires à son entraînement et à ses ascensions.
"En dehors de l’escalade urbaine, je suis passionné de musique ! Il y a plusieurs registres musicaux qui m’aident beaucoup à avancer, ou m’inspirent énormément. J’ai d’ailleurs été membre d’un groupe de musique qui s’appelle Going Forward, ils ont sorti leur premier EP, et je suis fier d’eux. Des musiques, comme Rise of the Northstar, me donnent de la force pour l’entraînement et des musiques comme Carpenter Brut ou Perturbator m’inspirent."
L'histoire de l'escalade urbaine est indissociable de celle d'Alain Robert, mais c'est avec des figures comme Jean-Claude Droyer que tout a commencé, avec une escalade audacieuse de la tour Montparnasse en 1975. Aujourd'hui, grâce aux réseaux sociaux et aux nouvelles technologies, cette discipline gagne en visibilité, bien que reste un domaine de niche où la performance prime sur l'esthétique.
"Il est difficile d’établir précisément le début de l’escalade urbaine, car je pense que cela pourrait dépendre de la subjectivité de chacun. Alain Robert est la figure la plus marquante de la discipline, cela est certain. En revanche, on pourrait marquer le début de l’escalade urbaine avec Jean-Claude Droyer qui réalise une cordée sur l’angle de la tour Montparnasse en 1975. Une escalade répétée par Alain (en solo cette fois-ci) 20 ans plus tard. En revanche, celui qui définit l’escalade urbaine comme on la connaît aujourd’hui, c’est-à-dire en free solo sur les gratte-ciel, c’est Alain Robert. Très clairement, l’escalade urbaine est une spécialité française. Voilà un domaine sportif où nous sommes très clairement les meilleurs."
Pour Alexis, l'escalade urbaine est bien plus qu'un sport extrême. C'est une passion, une forme d'expression personnelle et un défi constant à la fois physique et mental. Et dans sa quête des sommets urbains, il continue d'inspirer ceux qui rêvent de toucher les étoiles, même au cœur des villes.
"On me demande souvent de grimper pour des organisations politisées, mais je refuse toujours, car cela serait hypocrite de ma part. Je grimpe pour moi, pour mes performances personnelles, et non pour quelqu’un d’autre ou pour une cause qui n’est pas la mienne. Et je ne m’en cache pas ! Je pense que l’honnêteté l’emporte toujours."
💬 : Alexis Landot
🗞 : GrimpActu.
Comments