Alex Honnold : Solo urbain – escalade extrême ou simple show médiatique ?
- GrimpActu

- 3 oct.
- 3 min de lecture
En 2026, Alex Honnold, l’icône du solo intégral, s’apprête à écrire une nouvelle page de sa carrière – mais cette fois, loin des falaises de granite. L’Américain, connu pour son ascension historique d’El Capitan sans corde ni assurage, va tenter de gravir en direct le Taipei 101, gratte-ciel emblématique de Taïwan. Diffusée sur Netflix sous le titre Skyscraper Live, cette performance promet d’être l’un des événements sportifs et médiatiques les plus commentés de l’année.

Taipei 101 : une voie de verre et d’acier
Avec ses 508 mètres et 101 étages, le Taipei 101 fut le plus haut bâtiment du monde à son inauguration en 2004. Aujourd’hui, il reste une prouesse architecturale qui domine la skyline de Taipei.Pour un grimpeur, cette tour n’est pas qu’une masse de béton et de verre : c’est un véritable terrain vertical. Sa base repose sur une dalle monumentale de 70 mètres, suivie d’une succession de sections en léger surplomb, séparées par des corniches tous les huit étages. Vue de loin, la structure évoque un bambou géant, fragile mais infiniment élancé.
Honnold devrait emprunter l’une des arêtes du bâtiment, ce qui l’exposera à une escalade répétitive, exigeante, mais aussi… terriblement monotone comparée à une grande voie naturelle. Là réside peut-être le premier paradoxe de ce projet : comment maintenir l’intensité narrative sur des centaines de mètres de béton ?
Netflix et le spectacle planétaire
Ce n’est pas un secret : Skyscraper Live n’est pas seulement une ascension, c’est un produit de divertissement calibré pour la télévision. Brandon Riegg, vice-président des contenus chez Netflix, le résume bien : « un spectacle dont il sera impossible de détourner le regard ».
Depuis quelques années, la plateforme multiplie les expériences live : combats de boxe, NFL, shows comiques… et maintenant, escalade extrême. L’objectif est clair : séduire de nouveaux abonnés, convaincre les annonceurs, et surtout, proposer des événements qu’on doit regarder en direct. Car si une série peut se binge-watcher plus tard, une ascension en solo intégral ne souffre pas le replay : le suspense, l’adrénaline, se vivent sur le moment.

Que vient chercher Honnold ?
La question reste ouverte : qu’est-ce qui pousse Alex Honnold, déjà au sommet de la reconnaissance après Free Solo, à se lancer dans un projet qui, pour beaucoup, ressemble davantage à une cascade médiatique qu’à une performance alpine ?
Une quête de nouveaux publics : Honnold l’a souvent dit, ce qui compte pour lui, c’est la capacité d’un projet à toucher les gens. Ici, le public ne sera pas uniquement composé de grimpeurs ou d’amateurs de montagne, mais de millions de spectateurs curieux, séduits par l’idée d’un homme seul contre un gratte-ciel.
Un message universel : le solo intégral a ceci de particulier qu’il ne nécessite aucune explication technique. Pas besoin de savoir ce qu’est un 7c+ ou une fissure off-width pour comprendre : une chute signifie la mort.
Un prolongement médiatique : après Free Solo, Honnold a enchaîné les collaborations, des documentaires pour NatGeo à des apparitions au cinéma. Cette fois, il franchit un cap en devenant le centre d’un show planétaire en direct.
Entre inspiration et dérive médiatique
Mais derrière le spectacle se cache une question légitime : entre performance extrême et mise en scène médiatique, est-ce toujours de l’escalade ? Grimper une paroi naturelle engage une dimension d’exploration, de confrontation à l’élément brut, de dialogue avec la roche. Ici, l’ascension d’un gratte-ciel s’apparente davantage à un défi technico-médiatique qu’à une performance de grimpe classique.
Certains y verront une trahison de l’esprit de la grimpe, un « cirque » calibré pour la télévision. D’autres, au contraire, salueront l’opportunité unique d’exposer l’escalade au grand public. Après tout, combien de futurs grimpeurs ont découvert notre sport grâce à Free Solo ?
Comme pour Honnold et son futur défi sur le Taipei 101, l’exemple de Seb Bouin et Alain Robert sur la Tour Total montre combien la médiatisation peut transformer la perception d’un geste sportif : malgré un exploit impressionnant, certains y ont vu une promotion implicite. Bouin a expliqué que son objectif était avant tout personnel et sportif, et non commercial ou politique, et a reconnu que la diffusion des images avait pu prêter à confusion.
Un événement qui fera date
Qu’on le veuille ou non, le 101 étages de Taipei 101 deviendront en 2026 le théâtre d’une expérience hors norme. La foule sera massée au pied de la tour, des millions de spectateurs suivront en direct chaque mouvement, chaque repos sur les corniches, chaque hésitation. Et comme toujours avec le solo intégral, la question restera suspendue : jusqu’où ira-t-il ?

✍️: Théo de GrimpActu
📸 : COREY RICH














Commentaires