Accidents d’escalade 2025 : bilan et prévention
- GrimpActu
- 9 oct.
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 10 oct.
Les chiffres viennent de tomber.
Et derrière les colonnes du rapport annuel de la FFME, c’est toute une histoire qu’on devine : celle d’une communauté qui grimpe plus que jamais, mais qui n’oublie pas que la sécurité n’est pas un détail — c’est le socle même de l’activité.
En 2025, la France compte plus de 125 000 licenciés. Un record toutes activités confondues pour la fédération. Des salles pleines à craquer chaque soir, des blocs qui se renouvellent chaque semaine, des falaises qui s'apprivoisent dès le retour des beaux jours. L’escalade a cessé d’être un sport de niche : elle devient peu à peu un langage commun, un art du mouvement qui séduit, fascine, rassemble.
Mais comme souvent quand la passion déborde, la vigilance s’effrite parfois. Et le bilan de cette saison, s’il reste "positif", vient le rappeler avec douceur et fermeté : 303 en salle et 67 en milieu naturel accidents liés à la pratique de l’escalade, sur 473 sinistres recensés au total par la FFME. Soit plus de deux tiers (78%) des accidents déclarés une proportion stable, mais qui interroge.

Focus escalade : gestes sûrs, risques présents
Sur les 303 accidents liés à l’escalade, seulement 9 % sont considérés comme graves : traumatismes crâniens, fractures complexes, atteintes de la colonne ou polytraumatismes. Un chiffre encourageant, qui montre que la sécurité progresse. Mais derrière cette stabilité apparente, certains signaux rappellent que la vigilance ne s’use que si l’on ne s’en sert pas.
Bloc : le risque du faux sentiment de sécurité
Le bloc, c’est le terrain de jeu favori de milliers de grimpeurs et grimpeuses. On y grimpe libre, léger, sans corde, porté par la convivialité et l’énergie collective. Mais c’est aussi là que se nichent 11 des 33 accidents graves recensés cette saison, soit 6,5 % des chutes en bloc, presque tous en salle.
Dans les SAE, près des 3/4 des accidents surviennent lors de chutes normales, inhérentes à la pratique. Souvent bénignes (entorse, traumatisme léger, fracture ou luxation), elles rappellent qu’une mauvaise réception, un mouvement mal anticipé ou un tapis mal positionné peut transformer un bloc “facile” en épisode douloureux. Viennent ensuite les mouvements traumatisants (15 %), typiquement liés à un mauvais échauffement ou à des sollicitations répétées. Et enfin, les accidents liés aux tapis : mousse dégradée, espace entre le mur et le tapis, jointures manquantes… autant de petits détails qui font la différence.
En extérieur, les accidents restent rares mais illustrent les mêmes principes : 50 % des accidents de bloc en SNE sont des chutes normales, principalement des mauvaises réceptions, souvent sans erreur de la part du grimpeur ou du partenaire. Les mouvements traumatisants concernent surtout les profils expérimentés : genoux, coudes ou tendons mis à rude épreuve lors de mouvements intenses. Les crash-pads mal positionnés sont à l’origine de la plupart des incidents.
Le cadre contrôlé des SAE peut donner l’illusion d’un risque maîtrisé. Pourtant, “garder le contrôle” reste une nécessité absolue, pour le grimpeur comme pour l’ouvreur. Les blocs doivent rester sécurisés avant tout, même si l’esthétique ou le spectaculaire tentent de prendre le pas.

Escalade à corde : la rigueur de l’assurage
En escalade à corde, les chutes sont plus hautes, plus engageantes et logiquement, les conséquences peuvent être plus lourdes. 22 accidents graves sur 203 recensés (10 %) concernent cette pratique, presque tous en salle. Là encore, le mot qui revient sans cesse : assurage. En SAE, l’erreur d’assurage est la deuxième cause d’accident, à quasi-égalité avec les chutes normales. Une main qui lâche trop tôt, un frein mal manipulé, un moment d’inattention : le retour au sol est souvent inévitable et peut avoir des conséquences graves.
Pour les accidents en SNE, les chiffres montrent que 24 % des accidents d’escalade à corde surviennent en extérieur. La chute normale reste majoritaire, souvent au moment du clippage en tête ou sur les retours de paroi. Les erreurs techniques — départ non assuré, rattrapage maladroit, arrachement de coinceurs — et les défaillances support (prises ou blocs arrachés) complètent le tableau.
Dans tous les cas, garder le contrôle, c’est d’abord pour l’assureur. Les yeux sur la corde, les mains sur le frein, l’attention sur le grimpeur. C’est ce lien invisible qui transforme un vol potentiel en incident évité.

Retours d’expérience : le risque dans le détail
Parfois, ce sont les petites erreurs qui font basculer l’aventure. Prenons le premier exemple : un grimpeur en tête, qui chute de 8 mètres lors d’une montée. La cause ? L’ouverture du doigt du mousqueton du haut de sa dégaine. L’expertise a montré que la sangle et le mousqueton du bas étaient sortis, tandis que celui du haut est resté coincé dans la plaquette. Heureusement, personne n’a été gravement blessé, mais cet incident rappelle une règle simple : toujours orienter le doigt du mousqueton à l’opposé du sens de progression. Ce détail, qui peut sembler anodin, devient crucial lorsque la voie change de trajectoire ou après une chute. Dans certaines configurations — progression en zig-zag, corde tortueuse — la corde peut venir en porte-à-faux et provoquer un vol évitable.
Un second exemple illustre combien la communication et l’attention de l’assureur sont essentielles. Dans un dévers de 13 mètres, un grimpeur a volontairement choisi de tomber sans clipper le relais. Son assureur, pensant que le grimpeur clipperait, a donné du mou et a perdu le contrôle de la corde. Le grimpeur n’a pas touché le sol, mais il a percuté l’épaule d’un autre participant, qui a chuté au sol et s’est blessé à la cheville et au thorax. Cet incident met en lumière l’importance de rester attentif à chaque mouvement, et de ne jamais lâcher le brin de vie. Il pose aussi la question du choix du système d’assurage — manuel ou assisté — et de son lien avec les erreurs possibles.
Focus systèmes d’assurage : quand le frein fait la différence
En escalade à corde, l’erreur d’assurage reste l’une des principales causes d’accident, presque à égalité avec les chutes normales. Elle représente près d’un quart des sinistres, et entraîne neuf fois sur dix un retour au sol — souvent avec des conséquences sérieuses.
Consciente de cet enjeu, la FFME place désormais la prévention au centre de ses priorités. Comme le rappelait la Lettre sécurité de mars 2024, le choix du système d’assurage est crucial. Depuis 2024-2025, la FFME recense systématiquement le type de frein impliqué dans les accidents afin de mieux comprendre les causes et d’affiner la prévention.
SAM (Système d’Assurage Manuel) : plaquette, tube, seau, panier. Les accidents surviennent surtout lors de la progression du grimpeur, souvent liés à un lâcher de corde involontaire par l’assureur : manque d’attention, distance trop grande, ou écart de poids important.
SABA (Système d’Assurage à Blocage Assisté) : Grigri, Birdie, Matik… Les incidents arrivent généralement lors de la descente, souvent par un mauvais usage de la poignée de débrayage.
SAFA (Système d’Assurage à Freinage Assisté) : Smart, ATC Pilot, Jul, Click’up… Les accidents sont moins fréquents, mais se produisent principalement dans les mêmes situations : lâcher de corde ou débrayage mal maîtrisé.
Grimper mieux, grimper plus sûr : 5 conseils essentiels
Partagez vos expériences : Les retours d’expérience disponibles sur le site de la FFME sont une mine d’or pour mieux comprendre et éviter les erreurs courantes.
Il est important de rappeler que les chiffres présentés ici ne reflètent que les sinistres recensés par la FFME, c’est-à-dire ceux rapportés par les licenciés et les structures affiliées. Le monde de l’escalade, bien plus vaste, a malheureusement connu d’autres accidents graves, parfois mortels, qui nous rappellent que notre passion, si belle soit-elle, n’est pas sans risques.

📊 : FFME
✍️ : Théo de GrimpActu
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