Avec l’arrivée du printemps, la pression sociale sur la silhouette et le poids monte
d’un cran, les régimes promettant une transformation radicale fleurissent dans tous
les sens. Pour les grimpeurs et les grimpeuses déjà soumis à cette pression par la culture de leur sport, cela peut se traduire par la recherche du corps parfait, celui qui est sec, affuté, dont on voit les muscles bouger sous la peau sans un millimètre de gras
entre les deux.
Cette lutte contre le gras corporel fait partie intégrante de la culture et de
l’esthétique de la grimpe. Cependant, du côté des professionnels de santé, on
connaît bien le revers de la médaille : valorisation du corps maladivement maigre,
de la rigidité et de la rigueur alimentaire qui mène malheureusement beaucoup
d’athlètes de tous niveaux vers des désordres (voire des troubles) alimentaires, des
blessures à répétition et finalement une baisse des performances.
Pour perdre du poids, il est nécessaire d’être en déficit énergétique afin d’obliger
l’organisme à puiser dans ses réserves. Encore faut-il que la personne
demandeuse ait des réserves à mobiliser et qu’elle ait éliminé toutes les autres
causes possibles de sa non progression.
En d’autres termes, avant d’accuser son gras ou son poids comme étant un frein à
la progression et de vouloir en perdre, il est indispensable de se poser les
questions suivantes : est-ce que je dors assez ? Est-ce que j’ai de réels temps de
repos et de récupération ? Mon plan d’entraînement est-il adapté ? Ai-je des
carences ?
Et surtout, commencer par se poser LA question contre-intuitive : est-ce que je
mange suffisamment ?
Parce que se lancer dans une réduction d’apports alors qu’il sont déjà insuffisants,
c’est l’autoroute vers le REDS (ensemble de symptômes physiques et
psychologiques reliés à une insuffisance d’énergie disponible), la mise en danger
de la santé et adieu les performances.
Tu peux donc avoir envie de perdre du poids, de faire une sèche parce que la
culture de la grimpe t’a instillé dans le cerveau que ça permet de mieux grimper
alors que ce qu’il te manque, c’est peut-être juste de l’énergie pour avoir plus de
force. Le témoignage d’Emil Abrahamson ( Weight isn’t everything, disponible sur
sa chaîne YouTube) ainsi que le documentaire Light en sont de bons exemples.
Quoi qu’il en soit, pour savoir si ton organisme est suffisamment nourri, tu n’as pas
d’autre choix que de consulter un.e spécialiste de l’alimentation du sport.
Deuxième point important à connaître s’il existe effectivement une petite marge,
deux-trois kilos kilos qui vont et qui viennent selon les périodes de l’année, ce qui
est tout à fait normal, soit dit en passant. L’objectif serait alors de se retrouver à son
poids de forme le plus bas pendant la saison de compétitions.
Dans ce cas, avant de démarrer une quelconque optimisation de l’alimentation, la
question la plus importante à se poser est celle de son rapport à la nourriture.
En effet, les personnes qui catégorisent les aliments en « bons » vs « mauvais »
s’engagent dans ce cas dans une pente glissante. Lorsqu’on hiérarchise les
aliments et sans accompagnement adéquat dans la perte de poids, ce sont les
aliments catégorisés comme « mauvais » qui sont supprimés de l’alimentation afin
de diminuer l’apport calorique. Or les aliments considérés comme « mauvais » par
ces personnes sont les pâtisseries, les gâteaux, les plats cuisinés, les fritures ou
encore la charcuterie, alors qu’elles les apprécient et les trouvent bons au goût.
Problème : la suppression de ces aliments entraîne une frustration propice au
déclenchement de crises compulsives, pendant lesquelles ce n’est pas un gâteau
mais le paquet qui va être consommé. Conséquence : le poids ne descend pas,
voire augmente alors que la personne se sent « au régime » et les prises
alimentaires se dérégulent progressivement. C’est pourquoi il est nécessaire d’être
au clair avec son comportement alimentaire et déconstruire ses croyances
alimentaires avant toute tentative.
Dernier point essentiel à savoir sur la perte de poids : plus elle est rapide, plus les
conséquences sont sévères, avec la plupart du temps une reprise de poids avec un
supplément (dans 95% des cas selon l’ANSES). Car quand le déficit énergétique
est important, le métabolisme s’adapte en se mettant au ralenti, ce qui fait que
l’organisme arrive à vivre avec moins d’énergie au quotidien. Cela se fait en
perdant surtout de la masse musculaire, un peu de masse grasse et de l’eau. Mais
quand le poids remonte, les cellules graisseuses se remplissent à nouveau et se
multiplient, augmentant par la même occasion le pourcentage de masse grasse du
corps. Donc au final, le régime « miracle » a surtout modifié la composition
corporelle par effet rebond. Pire, chez les personnes prédisposées, la perte de
poids donne l’illusion de contrôle du corps et provoque l’entrée dans une
mécanique de trouble du comportement alimentaire de type anorexie.
Conclusion, même si tout pousse à croire que faire une sèche c’est la routine avant
l’été et que s’alléger de quelques kilos de gras est facile, la réalité est plus
complexe avec de nombreux paramètres à prendre en compte. Une modification du
régime alimentaire mal effectuée peut avoir des conséquences importantes et
opposées à l’effet recherché. C’est la raison pour laquelle l’accompagnement par
un.e professionnel.le de santé est essentiel, à commencer pour savoir si la perte de
poids est pertinente, réaliste et réalisable, et dans tous les cas pour vérifier si la
condition préalable est remplie : avoir un rapport sain à l’alimentation.
💬 : Amandine Verchere @amandine.verchere
🗞 : GrimpActu.