La Palestra Buenos Aires : démolition du mur d’escalade historique en cours
- GrimpActu

- il y a 4 jours
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La démolition de La Palestra de Buenos Aires a commencé malgré les recours en cours. Ce mur historique, unique au monde, risque de disparaître définitivement, mettant en péril un patrimoine essentiel de l’alpinisme urbain argentin.

Dans un précédent article, nous alertions sur la menace qui pesait sur La Palestra de Buenos Aires, ce mur d’escalade unique au monde et emblème de la grimpe urbain en Argentine. ➡️ À (re)découvrir ici
Quelques semaines plus tard, le scénario redouté par toute une communauté est devenu réalité.
Contexte – Pourquoi La Palestra est menacée
La Palestra Nacional de Andinismo est située au sein du Cenard, le Centre National de Hautes Performances Sportives de Buenos Aires. Construite en 1982 avec le soutien de l’État argentin, cette structure unique reproduit une falaise naturelle grâce à des pierres d’ardoise importées et assemblées artisanalement.
Depuis 2019, le site se trouve au cœur d’un projet d’aménagement urbain porté par la municipalité de Buenos Aires : l’élargissement du pont Labruna, destiné à fluidifier la circulation vers l’université de Buenos Aires et le Parque de la Innovación. Ce projet prévoit la destruction de la Palestra pour faire place à de nouvelles voies routières.
Face à cette perspective, le Centro Andino Buenos Aires (CABA), gestionnaire historique du site, s’est engagé dans un long combat juridique et médiatique pour obtenir la préservation du mur ou, à défaut, une reconstruction strictement équivalente.
Malgré des décisions judiciaires temporaires et des promesses de relocalisation, aucune solution consensuelle n’a émergé à ce jour.
La démolition entamée en décembre marque une nouvelle étape dans ce conflit, toujours en cours sur le plan légal.
Un mur historique désormais attaqué
Le 15 décembre dernier, au cœur du Cenard, le bruit des machines a remplacé celui des mousquetons. Sans annonce officielle préalable, une pelleteuse a commencé à démonter une partie de La Palestra Nacional de Andinismo, mettant fin à plus de quarante ans d’histoire verticale.
Pour les grimpeurs de Buenos Aires, le choc est immense. Car si la menace de démolition était connue, son exécution intervient dans un contexte juridique encore incertain. Aucun jugement définitif n’a été rendu sur le fond du dossier, et pourtant, le chantier a bel et bien commencé.

Une avancée jugée prématurée, voire illégale
Dès les premières heures, des membres du Centro Andino Buenos Aires (CABA) se sont rendus sur place. L’accès au site leur a été interdit par les forces de l’ordre, alimentant un climat de tension et d’incompréhension.
Depuis plusieurs années, le CABA conteste la destruction du mur dans le cadre du projet d’élargissement du pont Labruna. En novembre, un juge a refusé de prolonger une mesure conservatoire, mais sans pour autant trancher définitivement la légalité de la démolition.
Pour les grimpeurs, cette zone grise juridique est exploitée par la municipalité pour avancer coûte que coûte.
Plus qu’un mur : un outil de formation unique
Comme nous vous l'expliquions dans un précédent article, La Palestra n’est pas une salle d’escalade classique. Construite en 1982 à partir de pierres naturelles importées de San Luis, elle reproduit fidèlement les caractéristiques du rocher : fissures franches, dalles lisses, cheminées, possibilités de pose de protections et d’ancrages.
Sur ses 2 400 m² de parois, des générations de grimpeurs ont appris à grimper “pour de vrai”, bien loin des prises en résine. Guides, secouristes, pompiers, militaires et alpinistes s’y forment encore aujourd’hui.
À Buenos Aires, ville sans falaises naturelles, La Palestra est le seul lieu permettant un tel apprentissage.
Une mobilisation de longue haleine
La destruction du mur intervient après six années de lutte. Depuis l’annonce du projet urbain en 2019, la communauté s’est organisée : manifestations, pétitions, banderoles “La Pale no se toca”, relais médiatiques internationaux.
Encore en septembre dernier, une marche rassemblait des grimpeurs en baudriers et casques dans les rues du quartier de Núñez, symbolisant un combat devenu autant culturel que sportif.
Mais face à la logique des infrastructures et de la circulation, la mobilisation semble aujourd’hui impuissante.

Une “reconstruction” qui divise
La municipalité assure qu’un nouveau mur verra le jour dans le Parc Olympique, à Villa Soldati. Des images montrent une structure en cours de construction, partiellement recouverte de pierres.
Pourtant, cette promesse ne rassure pas. Les grimpeurs dénoncent un projet plus petit, plus éloigné et surtout incapable de reproduire les caractéristiques techniques qui font la valeur pédagogique de La Palestra.
Un patrimoine en train de disparaître
Avec les premières pierres arrachées, ce n’est pas seulement un équipement sportif qui disparaît, mais un pan entier de l’histoire de la grimpe argentine. La Palestra est le fruit d’un chantier collectif, artisanal, né d’une époque où l’on construisait des outils de transmission avant des infrastructures rentables.
Aujourd’hui, alors que les travaux se poursuivent, une certitude demeure pour la communauté : même si un nouveau mur voit le jour, ce qui faisait l’âme de
La Palestra — sa mémoire, son réalisme, sa culture — ne pourra jamais être simplement « relocalisé ».
✍️ : Théo de GrimpActu














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