Quand le torse nu révèle les inégalités de genre : enquête sur l’inclusivité dans les salles d’escalade
- GrimpActu

- il y a 13 heures
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Ce 25 novembre, journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes et aux minorités de genre, le collectif « Garde ton top » a rendu publique une enquête sur l’inclusivité dans les salles d’escalade françaises. Face à l’inaction de leur propre salle concernant le port du torse nu et le bien-être des personnes sexisées, ce groupe de grimpeur·euses a cherché à comprendre quelles pratiques étaient réellement mises en place ailleurs dans le pays.
L’enquête, indépendante de tout média, a interrogé 30 salles d’escalade pour mesurer la manière dont elles accueillent les femmes, les personnes trans, non-binaires, agenres et intersexes, ainsi que les mesures concrètes prises pour rendre la pratique plus inclusive.
Entre chiffres, témoignages et initiatives locales, cette étude révèle des tendances fortes : la présence ou non de femmes dans les équipes, les aménagements pour le confort et la sécurité, et la politique sur le torse nu semblent directement liées au sentiment d’accueil et de légitimité des personnes sexisées dans le milieu de l’escalade.
Découvrez le cœur des salles, un univers où le plaisir de grimper se mêle encore trop souvent à des dynamiques de genre inégalitaires, mais où des solutions existent et peuvent transformer la pratique pour toutes et tous.
Une enquête indépendante pour comprendre l’inclusivité en salle
Face à l’absence de mesures concrètes dans leur propre salle, le collectif « Garde ton top » a décidé de mener un travail de terrain pour évaluer la situation dans d’autres salles d’escalade françaises. Entre janvier et mars 2025, les membres du collectif ont contacté 30 salles, appartenant majoritairement à des franchises reconnues telles que Climb Up, Arkose ou Block’Out.
L’objectif ? Observer comment les salles abordent la question de l’inclusivité des personnes sexisées — femmes, personnes trans, non-binaires, agenres et intersexes — à travers plusieurs aspects concrets :
la politique sur le port du torse nu ;
la mise à disposition de protections périodiques ;
la présence de vestiaires inclusifs ou d’autres aménagements favorisant la sécurité et le bien-être ;
la représentation des femmes et minorités de genre parmi les ouvreuses et monitrices ;
les formations et dispositifs de prévention contre le harcèlement sexiste ou sexuel.
Chaque critère a été noté pour établir une note d’inclusivité, permettant de comparer les salles entre elles et de mettre en évidence les pratiques les plus avancées.
L’enquête n’est pas scientifique au sens statistique, mais elle offre un panorama concret et instructif des initiatives existantes et des freins rencontrés.
Cette démarche indépendante montre aussi à quel point les dynamiques de genre et l’inclusivité peuvent varier d’une salle à l’autre, et comment certaines décisions simples — comme interdire la grimpe torse nu — peuvent avoir un impact direct sur le confort et la sécurité des grimpeur·euses sexisé·es.
Résultats clés de l’enquête : où en est l’inclusivité en salle ?
L’enquête du collectif révèle des tendances fortes dans les pratiques des salles d’escalade françaises, tout en mettant en lumière les écarts entre les initiatives.
1. Port du torse nu : une mesure simple, révélatrice
Parmi les 30 salles interrogées, 21 interdisent la grimpe torse nu (70 %), tandis que 9 salles (30 %) l’autorisent pour les hommes cisgenres. Selon le collectif, cette politique simple constitue un indicateur clé de l’attention portée au confort et à la sécurité des personnes sexisées. Les salles qui imposent le port du t-shirt sont en effet plus nombreuses à mettre en place d’autres aménagements inclusifs.
2. Protections périodiques et aménagements concrets
70 % des salles mettent à disposition des protections périodiques, un chiffre qui grimpe à 85 % pour celles interdisant le torse nu, contre seulement 33 % pour celles qui l’autorisent.
Les affichages anti harcèlement étaient présent aussi bien dans les salles qui interdisent et autorisent la grimpe torse nu.
3. Représentation féminine dans les équipes
L’enquête montre également que la présence de femmes dans les équipes d’ouvreurs et de moniteurs est corrélée avec l’interdiction du torse nu :
Ouvreuses : 17 % dans les salles interdisant le torse nu, contre 3 % dans celles qui l’autorisent.
Monitrices : 28 % contre 16 %.De plus, 38 % des salles qui interdisent la grimpe torse nu n’ont aucune ouvreuse, contre 89 % des salles qui l’autorisent. Ces chiffres traduisent un réel déficit de représentativité dans certaines salles, alors que d’autres montrent des initiatives concrètes pour l’équilibre femmes/hommes dans leurs équipes.
4. La note d’inclusivité
En combinant tous les critères (torse nu, protections périodiques, vestiaires inclusifs, formation du personnel, représentation féminine), le collectif a attribué une note d’inclusivité sur 10 :
Moyenne globale : 3,1/10
Salles interdisant le torse nu : 3,8/10
Salles autorisant le torse nu : 1,6/10
Ces chiffres traduisent une corrélation nette entre l’attention portée aux personnes sexisées et la mise en place de mesures concrètes, allant au-delà du simple affichage.
Analyse : comprendre les dynamiques derrière les chiffres
Les résultats de l’enquête montrent plus qu’une simple statistique : ils mettent en lumière les mécanismes qui façonnent le quotidien des grimpeur·euses sexisé·es et l’expérience vécue dans les salles d’escalade.
1. L’impact du torse nu sur le bien-être des personnes sexisées
Selon le collectif, la présence d’hommes torse nu dans les salles peut générer un malaise, voire un sentiment d’insécurité pour certaines grimpeuses ou personnes de genres diversifiés. Dans un espace partagé, ce détail vestimentaire n’est pas neutre : il renforce les dynamiques de genre et les hiérarchies implicites.
Les salles qui interdisent le torse nu montrent une tendance à prêter davantage attention au confort et à la sécurité de tous·tes, en allant jusqu’à proposer des vestiaires inclusifs, des formations pour le personnel et des affichages de sensibilisation. L’interdiction du torse nu n’est pas seulement un code vestimentaire : elle devient un levier concret pour l’inclusion.
2. Représentativité et modèles
La faible proportion de femmes et de personnes sexisées dans les équipes d’ouvreurs et de moniteurs a un impact direct :
Les grimpeuses ont moins de modèles pour s’identifier et se sentir légitimes.
Les voies sont souvent pensées selon des standards masculins, limitant l’accessibilité pour les corps différents et renforçant le sentiment d’exclusion.
Les salles qui intègrent des ouvreuses et monitrices constatent, selon l’enquête, un enrichissement de la pratique : nouvelles approches des voies, conseils plus adaptés, et un environnement plus accueillant pour tous les profils.
3. Inclusion et aménagements concrets
Au-delà de la question du torse nu, l’enquête souligne que des actions simples produisent un effet réel : mise à disposition de protections périodiques, affichages anti-harcèlement, vestiaires inclusifs, formations spécifiques. Les salles qui adoptent ces mesures créent un cercle vertueux : plus les personnes sexisées se sentent à l’aise, plus elles participent, progressent et envisagent des rôles de responsabilité au sein de la salle.
4. Un indicateur de sensibilité à l’inclusivité
L’interdiction du torse nu apparaît comme un marqueur de l’intérêt d’une salle pour le bien-être des personnes sexisées. Les salles qui adoptent cette mesure montrent également une meilleure représentativité, des aménagements plus complets et un environnement plus sécurisant. À l’inverse, celles qui l’autorisent tendent à concentrer les initiatives sur le strict minimum, révélant une moindre conscience des enjeux de genre et d’inclusion.
Vers des salles d’escalade plus inclusives et accueillantes
Cette enquête du collectif « Garde ton top » met en lumière un constat clair : l’escalade reste un milieu encore largement genré et peu représentatif, mais elle montre également que des solutions concrètes existent et peuvent transformer profondément l’expérience de toutes et tous.
Interdire le torse nu, aménager des vestiaires inclusifs, mettre à disposition des protections périodiques, diversifier les équipes d’ouvreurs et de monitrices…
Ce sont autant de mesures simples qui, mises bout à bout, font la différence entre un espace où certaines personnes se sentent observées et contraintes, et un lieu où chacun·e peut grimper en confiance, progresser et prendre du plaisir.
Mais l’inclusivité ne se limite pas à quelques règles : elle se construit aussi dans les gestes du quotidien, l’écoute des ressentis, la formation du personnel, et la reconnaissance de toutes les identités et de tous les corps. Les salles qui s’engagent sur cette voie deviennent des lieux de liberté, de respect et de partage, où l’escalade retrouve sa dimension universelle : un sport de dépassement de soi et de plaisir, accessible à tou·tes.
Chaque grimpeur·euse, chaque moniteur·rice, chaque responsable de salle peut être acteur·rice de ce changement. Il suffit de regarder autour de soi, d’écouter, de s’informer et d’agir. Car au final, l’inclusion n’est pas seulement une question de règles ou de protocoles : c’est une question de communauté. Une communauté où chacun·e a sa place, où chaque corps est respecté, et où le plaisir de grimper ne connaît pas de barrières de genre, d’origine ou de condition sociale.
Alors, que vous soyez grimpeur·euse expérimenté·e, débutant·e, membre d’une salle ou simplement passionné·e par l’escalade : imaginez, proposez, partagez et participez à rendre vos murs et falaises plus inclusifs. Le changement commence sur le tapis de la salle, et peut résonner bien au-delà.
➡️Pour retrouver l’enquête en détail et tous les documents s’y rattachant, rendez‑vous ici : Enquete.
✍️: Théo de GrimpActu














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