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Delphine Chenevier : Première ascension de “Ultime err’ANX” (8c) à 49 ans

En escalade, il est rare de rencontrer des grimpeurs qui réussissent à améliorer leurs performances après des décennies de pratique. Delphine Chenevier, une grimpeuse grenobloise, en est une remarquable exception. À 48 ans, elle a réussi à enchaîner son premier 8c puis elle renouvelle l'exploit avec "Ultime err’ANX" à Crossey.


Ancienne compétitrice de l'Équipe de France d'escalade dans les années 90, Delphine a su allier ses responsabilités professionnelles et familiales à sa passion pour l'escalade. En tant que directrice de la communication au Synchrotron de Grenoble, elle gère un emploi du temps chargé tout en étant maman d'un garçon. Malgré ces engagements, elle trouve le temps de s'entraîner régulièrement et de continuer à se fixer des objectifs ambitieux.


Dans cet entretien, Delphine partage ses secrets pour rester motivée, ses stratégies d'entraînement adaptées , et ses conseils pour les grimpeurs qui souhaitent continuer à performer. Son parcours, jalonné de challenge et de réussites, est une véritable source d'inspiration pour tous ceux qui croient que la passion et la détermination peuvent transcender les limites imposées par l'âge.


Comment as-tu découvert l'escalade et qu'est-ce qui t'a attirée vers ce sport ?


"J’ai toujours baigné dans un milieu grimpe. Je viens d’une famille de grimpeurs. Mon père grimpait avec la bande des Parisiens Paragot, Lesueur. Parisien, il est venu s’installer au Saussois pour l’escalade. J’ai grandi au pied des falaises et avec des histoires d’escalade à la maison… Du coup, vers 15 ans, après de nombreuses années de gym, je me suis naturellement mise à la grimpe."


Peux-tu nous parler de ton expérience avec l'Équipe de France d'escalade dans les années 90 ? Quels étaient les moments forts de cette période ?


"C’était une autre époque par rapport aux compétiteurs de maintenant. Tu pouvais rentrer en Équipe de France sans être professionnelle, en ayant des bonnes qualités physiques. On n’était pas du tout à la pointe de l’entraînement comme maintenant. Mais, même si j’ai d’excellents souvenirs de ces années en Équipe de France, je pense que je n’étais pas faite pour ça. Je me mettais trop la pression. J’étais trop tournée sur la compétition et pas assez sur le plaisir."


Comment s'est passée la transition de la compétition vers l'escalade en falaise ? Quels défis as-tu rencontrés ?


En fait, j’ai toujours fait de la falaise, même quand j’étais compétitrice. C’est mon truc, ma passion. Je passais plus de temps sur le rocher que sur un mur. Et puis, encore une fois, c’était une autre époque en termes d’entraînement… La compétition, c’était une super expérience quand j’étais étudiante, mais pas un aboutissement. Du coup, naturellement, quand je me suis mise à bosser, j’ai arrêté la compétition et j’ai fait 100% de falaise."


Félicitations pour ta première ascension de “Ultime err’ANX”, Crossey, 8c ! Peux-tu nous décrire cette voie et ce que cela représente pour toi ?


"Alors “Ultime err’ANX”, c’est une vraie king line ouverte par un copain Christophe Bellin (alias tatalacuvette), dans les Gorges de Crossey juste à côté de Grenoble. C’est un long voyage de 40 mètres, une connexion qui remonte un grand mur gris très léger dévers, qui prend toutes les sections dures d’un gros 8a+/8b ‘Ultime dem’ANX’ et de ‘Vagabond d’occid’ANX’ 8b+. C’est de la pure escalade grenobloise : exigeante, technique, bien à doigts avec deux bons crux dans la partie 8a+/8b et une fin rési de 10-15 mètres sur croûtes dans le 8b+ jusqu’au relais. Au total, j’ai dû passer dix séances dans la voie (mais je connaissais la partie en 8b+ que j’avais enchaîné en mai) et je pense que j’ai passé au moins trois séances à essayer de trouver les méthodes dans les cruxs du 8a+/8b. J’étais super contente d’enchaîner cette voie, parce qu’elle a été ouverte par un copain et parce que c’est une superbe ligne à grimper, avec des mouvements déments, pas faciles à trouver, où il faut être bien calé pour passer.


Peux-tu nous parler rapidement de tes performances de ces dernières années ?


Alors, j’ai toujours grimpé dans le 8, mais c’est vrai que ces deux dernières années, il y a eu un déclic. J’ai fait mes plus grosses performances avec Viande de Crison, 8b+ à Satan à l’automne 2022, mon premier 8c Little King à Saint-Ange au printemps 2023, et depuis, 4 autres 8b+ et ce week-end mon 2ème 8c. En fait, je n’avais jamais osé aller voir des voies plus dures que 8b. Je pensais que c’était impossible en grimpant juste le week-end ou en afterwork.


Qu'est-ce que cela fait de réaliser encore des performances incroyables à ton âge ? Quel message aimerais-tu transmettre à ceux qui pensent que l'âge est un frein à la performance ?


En fait, je ne me sens pas vieille :-) Hihihi. Moi, dans ma tête je suis toujours motivée comme quand j’avais 20 ans. J’ai toujours la même passion pour l’escalade, le même plaisir de grimper, voire plus. Alors certes, je n’ai pas le même physique qu’à 20 ans et à 49 ans, en étant une fille, je dois faire avec un corps qui évolue, avec d’autres challenges à gérer. Mais c’est la beauté de l’escalade, tu n’es pas obligé de miser que sur les gros muscles. Moi, j’ai complètement changé mon style d’escalade. Moi qui étais bourrin et adepte des gros dévers à bras, je suis devenue experte des légers dévers à croûtes… et j’ai même travaillé la technique et la pose de pieds en grimpant dans les voies de la cuvette, mais aussi l’efficacité en escalade, les sensations. Certes, on n’est pas tous égaux face à l’âge, mais je pense qu’on a la chance en grimpe de pouvoir continuer à être performant malgré l’âge, en jouant sur plein de facteurs différents, en acceptant de sortir de sa zone de confort, de se remettre en question, de faire évoluer son escalade pour éviter de se blesser, pour s’adapter à l’évolution de son corps, en travaillant la force des doigts plus que les gros muscles, la qualité de grimpe, le ressenti. C’est la beauté de l’escalade !

Comment parviens-tu à intégrer l'entraînement dans un emploi du temps aussi chargé ? Peux-tu décrire une semaine typique d'entraînement pour toi ?


Avec mon boulot et ma vie de famille, je n’ai effectivement pas énormément de temps pour m’entraîner, mais j’optimise chaque moment. Je privilégie les séances courtes, intenses, efficaces. J’avoue avoir une certaine discipline de vie et être aussi motivée pour m’entraîner que pour grimper. Je fais tous les jours, 10-15 minutes de Pilates, yoga, mobilité, essentielles pour moi pour éviter les blessures et gagner en efficacité dans ma grimpe. Côté grimpe, une semaine type (mais ça dépend du boulot, de la fatigue, des révisions avec mon fils qui est en terminale), c’est 1 à 2 sessions courtes de poutre ou moonboard en afterwork à la maison et grimpe le week-end en ½ journées, qu’il pleuve ou qu’il neige avec les copains :-). Et quand les jours sont plus longs, ou dès que c’est possible, je remplace une session de poutre/moonboard par une session grimpe afterwork en falaise. Même si je ne fais que deux voies, j’ai le plaisir d’être dehors et je gagne en qualité de grimpe.


Tu as mentionné le soutien de Laurence et Olivier de FVCoach. En quoi leur coaching a-t-il été déterminant pour tes progrès ?


La collaboration avec Olivier et Laurence de la FVCoach s’est terminée l’année dernière après avoir réussi l’objectif 8c, mais je leur suis très reconnaissante. L’entraînement avec eux a été un vrai déclic. Ils ont une approche très globale de l’escalade. Et surtout, ils m’ont appris à optimiser mes temps de grimpe, même courts, pour vraiment m’entraîner, pour cibler des points forts comme la force des doigts, pour organiser mes semaines et surtout pour sortir de ma zone de confort à enchaîner des 8a, 8a+ ou 8b et essayer des voies plus dures.


Tu es directrice de la communication à l’Institut de recherche Synchrotron de Grenoble et as travaillé dans des cabinets ministériels. Comment parviens-tu à concilier cette carrière intense avec ta passion pour l'escalade ?


Je pense que j’ai besoin de cet équilibre entre vie professionnelle bien remplie, vie de famille et grimpe. J’aime mon travail et je m’y investis pleinement. En fait, je n’adapte pas ma vie à l’escalade mais plutôt l’escalade à ma vie. J’avoue, comme tout le monde, qu’après une grosse journée, des fois il faut que je me booste un peu pour aller grimper. Mais du moment que je suis sur le caillou, je suis motivée à 300%. Ça me rebooste.



Qu'est-ce qui te motive à continuer à grimper et à progresser malgré un emploi du temps chargé et les défis de la vie quotidienne ?


La passion de la grimpe, le plaisir de grimper des belles lignes, la recherche du beau mouvement, des sensations en grimpe mais aussi, je reste compétitrice dans l’âme, le challenge de repousser ses limites. Et puis le partage, le plaisir des sorties avec les copains. Je ne suis pas obsédée par la performance, je préfère vraiment passer une bonne journée en falaise en bonne compagnie.


Quels conseils donnerais-tu aux grimpeurs amateurs qui cherchent à améliorer leur performance tout en jonglant avec les responsabilités professionnelles et familiales ?


La régularité et la qualité dans l’entraînement, en misant sur des séances courtes, de qualité, à la poutre par exemple ou du renfort musculaire avec élastique. Et surtout garder le plaisir de la grimpe.


💬 : Delphine Chenevier

📷 : Jocelyn Chavy / Mathieu Mazuel / Stef Candé

🖍 : GrimpActu.

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