top of page

Les femmes grimpent-elles mieux que les hommes ? L’étude qui bouscule les idées reçues

  • Photo du rédacteur: GrimpActu
    GrimpActu
  • 7 oct.
  • 6 min de lecture

Depuis quelques années, les femmes redessinent les reliefs de l’escalade. Dans les salles comme sur les falaises, elles sont plus nombreuses, plus visibles, plus fortes. Les chiffres le confirment : depuis 2015, la participation féminine en compétition a bondi, les croix en falaise sont impressionnantes. Mais au-delà des statistiques, c’est un véritable changement de paysage. Là où la grimpe était autrefois un bastion masculin, elle devient aujourd’hui un terrain d’expression et d’équilibre, où la diversité des corps et des approches enrichit la discipline.


Mais que signifie réellement “grimper mieux” ? Le terme peut recouvrir de nombreuses réalités : force, technique, endurance, mental ou tactique. Dans cet article, nous nous concentrons sur les performances extrêmes, mesurées par les cotations les plus difficiles atteintes par les grimpeurs et grimpeuses.


Et forcément, cette montée en puissance suscite des questions. Ces dernières semaines, la communauté s’est enflammée autour d’une interrogation devenue virale : Janja Garnbret pourrait-elle grimper avec les hommes ? Derrière cette curiosité en apparence innocente, certains y voient le reflet d’un regard encore biaisé celui du male gaze, qui mesure la valeur féminine à l’aune de la performance masculine.


Mais si on laissait ce prisme de côté ? Et si, au lieu de chercher à comparer, on regardait simplement les faits ? Parce qu’une étude récente, signée Colin Carroll (2021), vient bousculer les codes : l’escalade est l’un des rares sports où les femmes rivalisent presque à égalité avec les hommes.


Escalade féminine
@IFSC

Une quasi-parité confirmée par la science

Dans son étude intitulée Female excellence in rock climbing likely has an evolutionary origin, le chercheur Colin Carroll s’est penché sur un phénomène rarement observé dans le monde du sport : la quasi-parité de performance entre femmes et hommes en escalade. Pour mesurer cet écart, il a comparé les cotations des voies les plus difficiles réalisées par les meilleurs grimpeurs et grimpeuses de l’histoire. Le résultat est sans appel : les femmes atteignent presque le sommet de la courbe masculine. Autrement dit, la meilleure grimpeuse du monde se situe parmi le 1 % des grimpeurs les plus performants au monde, hommes et femmes confondus.Un écart si réduit qu’il défie les logiques habituelles du sport de haut niveau.


Carroll souligne que cette proximité n’a pas d’équivalent : dans la majorité des disciplines, la différence reste marquée, souvent de l’ordre de 10 à 15 % sur des indicateurs de vitesse, de force ou d’endurance. En escalade, cette marge fond presque à vue d’œil. Si l’on compare à d’autres sports emblématiques — course à pied, natation, haltérophilie — le contraste est saisissant : aucune femme n’entre dans le top 2000 mondial du sprint, alors que plusieurs grimpeuses figurent déjà parmi les 100 meilleurs grimpeurs de tous les temps.


Comment expliquer un tel phénomène ?Pour Carroll, la réponse se trouve peut-être dans notre passé le plus lointain.



L’escalade, un héritage de nos ancêtres

Pour comprendre pourquoi les femmes rivalisent si étroitement avec les hommes en escalade, Colin Carroll se tourne vers… l’évolution. Nos ancêtres, avant même l’apparition de l’Homo sapiens, passaient une partie de leur vie dans les arbres. Que ce soit pour échapper aux prédateurs ou accéder à des ressources, le grimpeur préhistorique était un survivant. Et cette exigence a façonné notre corps de manière étonnamment précise.


Bras longs, tronc court, posture droite : ces caractéristiques, présentes chez les hommes comme chez les femmes, facilitent encore aujourd’hui la grimpe. Mais ce n’est pas tout. Carroll explique que certaines adaptations spécifiques, appelées adaptations musculo-squelettiques neutres au sexe, ont permis de réduire l’écart naturel de performance entre hommes et femmes.


Concrètement, cela signifie que certaines qualités nécessaires pour grimper : force relative, endurance musculaire, coordination, flexibilité sont partagées par les deux sexes. Alors que dans la plupart des sports, les différences biologiques entre hommes et femmes créent un écart net, ces adaptations permettent aux femmes de se rapprocher, voire parfois de rivaliser, avec les hommes dans des voies extrêmement difficiles.


En d’autres termes, la capacité à grimper efficacement n’est pas réservée aux hommes : elle est inscrite dans notre corps depuis des millions d’années. L’escalade moderne serait ainsi un miroir de notre passé évolutif, où survivre signifiait savoir grimper, peu importe que l’on soit un homme ou une femme.


Escalade féminine
@Julia Chanourdie

Femmes et hommes : des forces différentes, un but commun

L’étude de Colin Carroll montre que les différences biologiques entre hommes et femmes existent, bien sûr, mais elles ne déterminent pas l’issue d’une ascension.


En escalade, certaines qualités semblent donner un léger avantage aux femmes :

  • Endurance musculaire : les femmes peuvent maintenir des contractions musculaires plus longtemps que les hommes à effort relatif équivalent. Sur un mur, cela se traduit par la capacité à tenir plus longtemps sur de petites prises ou à enchaîner des mouvements exigeants sans se fatiguer.


  • Flexibilité et mobilité articulaire : une amplitude de mouvement souvent supérieure chez les femmes facilite les positions complexes et les étirements nécessaires pour atteindre les prises éloignées.


  • Poids osseux plus léger : un squelette légèrement moins massif réduit la charge à soulever, améliorant le ratio force/poids, un facteur clé pour grimper efficacement.


De l’autre côté, les hommes bénéficient aussi d’avantages :

  • Force musculaire globale : une masse musculaire plus importante, surtout au niveau du haut du corps, permet de générer plus de puissance pour les mouvements explosifs.


  • Perception spatiale : certaines études montrent un léger avantage des hommes dans les tâches de rotation mentale et de visualisation spatiale, utile pour anticiper et planifier un enchaînement de mouvements.


  • Taux de masse grasse plus faible : en général, un corps plus “léger” par rapport à la masse musculaire peut faciliter certains passages techniques et dynamiques.


Et pourtant, malgré ces différences, le constat reste clair : les meilleures grimpeuses se tiennent à quelques prises du niveau des meilleurs hommes. C’est ici que les fameux “sex-blind musculoskeletal adaptations” jouent leur rôle. Ces traits, hérités de nos ancêtres grimpeurs, neutralisent une partie de l’avantage masculin et permettent aux femmes de briller dans un sport où la performance repose autant sur la technique, la stratégie et l’endurance que sur la force brute.



Escalade féminine
@LynnHill

Facteurs sociaux et culturels influençant la performance

Plutôt que de se demander si les femmes pourraient grimper avec les hommes, il est intéressant d’explorer d’autres facteurs qui influencent les performances et la perception de celles-ci.


  • Le temps passé sur les projets : les grimpeuses consacrent parfois moins d’heures à travailler certaines voies ou blocs, non pas par manque de motivation, mais souvent en raison de contraintes sociales ou professionnelles. Les hommes, en moyenne, peuvent disposer de plus de temps pour répéter des voies, affiner chaque mouvement et expérimenter différentes stratégies. Si les femmes avaient les mêmes conditions, les performances pourraient être encore plus proches, voire équivalentes.


  • La perception de la difficulté : historiquement, les cotations ont été établies par des hommes. Les voies ont donc été “mesurées” selon une vision masculine de la force, de la portée et du style. Certaines séquences jugées difficiles pour un homme peuvent être plus accessibles pour une femme, et inversement. Les chiffres bruts ne racontent pas toute l’histoire.


  • La culture et le mentoring : les femmes ont longtemps été minoritaires dans les compétitions et les salles. Moins de modèles, moins de mentorat spécifique et moins de partage d’expérience peuvent limiter l’exploration de leur potentiel. Aujourd’hui, ce paysage change, mais l’histoire pèse encore sur les opportunités de progression.


  • Les différences d’approche dans l’entraînement et la stratégie : certaines études et témoignages de grimpeurs suggèrent que les femmes privilégient parfois la technique et la lecture de la voie plutôt que la force brute. Dans un sport où la stratégie et la finesse comptent autant que la puissance, cela peut réduire l’écart de performance de manière significative.


En somme, l’écart apparent entre hommes et femmes n’est pas seulement biologique. Le contexte, les normes sociales, la culture du sport, la perception des difficultés et les opportunités d’entraînement jouent un rôle central. Si tous ces facteurs étaient rééquilibrés, il est probable que la performance féminine s’élèverait encore plus haut, rendant la comparaison avec les hommes presque anecdotique.


Les ascensions mythiques des femmes

L’histoire de l’escalade féminine est jalonnée d’exploits qui ont redéfini les standards du sport :


  • 1993 : Lynn Hill, première ascension libre du mythique The Nose (8b+).

  • 2002 : Josune Bereziartu, Bain de Sang (9a).

  • 2008 : Beth Rodden, Meltdown (8c+).

  • 2016 : Ashima Shiraishi, bloc 8C à 14 ans.

  • 2017 : Margo Hayes, La Rambla (9a+).

  • 2017 : Angela Eiter, La Planta de Shiva (9b).

  • 2023 : Michaela Kiersch, bloc 8C.

  • 2023 : Katie Lamb, bloc 8C+.

  • 2025 : Brooke Raboutou, bloc 9b+.

  • 2025 : Babsi Zangerl, Freerider (7c+ flash) au Yosemite.


Escalade féminine
@ericbissell


✍️ : Théo de GrimpActu.

Commentaires


Nos derniers articles :

GrimpActu : La voix des grimpeur·euse·s passionné·es

GrimpActu est le média dédié à l’univers de l’escalade sous toutes ses facettes. Plus qu’un simple relais d’actualités de performance, il propose des articles pour progresser,  s’inspirer d’histoires marquantes et explorer les dernières innovations en matière de matériel. GrimpActu, c’est aussi des conseils bien-être et santé pour grimper durablement et sans blessure. Un média fait par et pour les passionné·es, au service d’une communauté qui partage le goût de la verticalité et de l’aventure.

  • Instagram
  • Facebook
Logo GrimpActu

Abonnez-vous gratuitement à notre newsletter !

Recevez chaque dernier samedi du mois un e-mail gratuit avec les meilleures actus, conseils et inspirations pour progresser en escalade.

Merci pour votre envoi !

bottom of page