Rejoignez l'univers d'Émile Pino, un photographe passionné dont l'objectif se fixe sur les falaises majestueuses et les grimpeurs talentueux. À travers cette entrevue "portrait", découvrez les racines de sa passion pour la photographie d'escalade, explorez les défis qu'il relève lors de séances en falaise, et plongez dans son approche artistique unique, équilibrant habilement technique et créativité. Suivez le parcours de cet artiste qui, suspendu entre ciel et rocher, capture l'essence même de l'escalade, de la lumière changeante aux émotions palpitantes, tout en gardant toujours la sécurité en première ligne. Rejoignez Émile dans ses aventures visuelles, où chaque image raconte une histoire gravée dans les hauteurs des parois qu'il explore avec une passion inébranlable.
Comment as-tu découvert ta passion pour la photographie d'escalade ?
J’ai découvert ma passion pour la photographie en général lors de mon entrée en BTS Audiovisuel, où j’ai rencontré un enseignant qui m’a transmis le virus de la photo. Jusqu’alors je ne jurai que par la vidéo, je voulais absolument faire des films et je ne faisais que très peu de photographie. C’est par ma pratique de l’escalade que je me suis mis à capturer des images de mes trips en falaise avec des copains. Mon activité à grandi et je prenais beaucoup de plaisir à créer des images de mes aventures, j’ai donc continué à en faire de plus en plus.
Quels défis rencontres-tu lors de la capture d'images pendant une séance d'escalade ?
Lors d’une séance d’escalade, je ne vais parler ici que de la falaise étant donné que c’est ma spécialité, le challenge principal est la verticalité et l’accès aux points de vue intéressants pour prendre la bonne photo. Il faut déployer une logistique importante pour s’installer (déployer des cordes, faire des noeuds de fractionnement, penduler pour se désaxer et dégager du champs…). C’est aussi le point qui me fait aimer tant cette pratique de la photographie : le fait de faire de l’escalade sans vraiment grimper.
Rocher des Brumes, L’Argentière la Bessée, France.
Quel matos photo recommandes-tu pour des prises de vue en escalade ?
Je ne pars jamais en shooting sans mon grand angle dans le sac. J’aime beaucoup contextualiser mes photos en mettant en scène le grimpeur dans tout son environnement et pas seulement la voie qu’il escalade. Montrer le bas de falaise, le paysage derrière lui, la sensation de hauteur ou de vertige…
Comment gères-tu la lumière changeante et les conditions météo en extérieur ?
La lumière est selon moi le point le plus important dans mes photos. C’est la contrainte technique qui est souvent la plus importante pour mes prises de vues, je réfléchis constamment à comment me positionner pour ne pas avoir d’ombres dans le cadre, comment le soleil va t-il évoluer dans les 30 prochaines minutes et m’adapter pendant la montée de l’athlète dans la voie. Je gère cette contrainte en la réévaluant régulièrement et en essayant de l’utiliser à mon avantage. J’utilise parfois des flashs quand j’ai du temps de mise en place afin de mieux contrôler la lumière sur le shooting.
Francesco Bosco dans T1 Full Equip, 8b+ à Oliana, Espagne.
Quel rôle joue la sécurité dans ta photographie d'escalade, et quelles précautions prends-tu ?
La sécurité est l’élément qui prime sur mon activité. Avant de prendre des photos, il s’agit de se mettre en sécurité car l’on travaille en hauteur et une erreur d’inattention peut être fatale. Je dis souvent que j’ai deux modes de fonctionnement, celui du cordiste (bien que je n’ai aucun diplôme ni formations à ce niveau là) qui va évoluer dans la verticalité et se positionner en sécurité. Et une fois que je suis en place, là seulement je sors l’appareil et je passe en mode photographe car je sais que je suis en sécurité et que je n’ai plus besoin de me soucier de ce point. Si je dois bouger à nouveau alors je range mon matériel de prise de vue et je repasse en mode cordiste. Chaque chose en son temps pour ne pas faire d’erreur, c’est ma règle d’or
Y a-t-il une photo d'escalade dont tu es particulièrement fier(e) et pourquoi ?
Je ne saurai pas choisir une seule photo, c’est trop difficile. J’associe mes images à des moments vécus et à des souvenirs avant tout. Au delà d’une belle image, d’une performance hors norme ou d’un mouvement spectaculaire, c’est l’histoire autour de l’image dont je vais me rappeler. Je repense à Jorge qui a enchaîné Bibliographie à Céüse en octobre, j’ai pris une photo quand il redescendait de la voie à peine entrain de réaliser qu’il venait d’enchaîner son projet ultime de l’année. Un moment très intense dont je me rappellerai longtemps.
Jorge Diaz Rullo redescends de Bibliographie, 9b+. Céüse, France.
Comment choisis-tu les spots d'escalade pour tes séances de prise de vue ?
Je ne les choisis que rarement. C’est souvent en fonction des projets des grimpeurs qui choisissent les endroits dans lesquels je shoote. J’aime m’adapter aux athlètes et non pas l’inverse. Ça peut arriver que je choisisse un endroit en particulier quand je dois faire des images pour présenter un produit ou un athlète, auquel cas je réfléchis beaucoup aux alentours de la falaises, aux couleurs des arbres en fonction de la saison, à la couleur du rocher, aux horaires d’ensoleillement. C’est l’environnement autour des voies d’escalade qui dicte mes choix je crois.
Quels conseils donnerais-tu aux débutants qui veulent se lancer dans la photo d'escalade ?
Il faut en faire, en faire beaucoup et ne pas avoir peur d’essayer des choses. Ne surtout pas se focaliser sur le matériel mais plutôt sur l’idée d’image que la voie, le bloc ou le grimpeur nous inspire.
Comment retouches-tu tes images pour accentuer leur impact visuel ?
Quand je retouche mes photos j’essaye d’être le plus fidèle possible à la réalité. Je veux montrer la beauté des falaises, des endroits que je visite. Je veux montrer les mouvements du grimpeur tels que je les ai vus.
Quelle est ton approche pour capturer l'émotion et l'adrénaline dans tes photos ?
Robert Capa disait “si vos photos ne sont pas assez bonnes, c’est que vous n’êtes pas assez près”. C’est en étant avec le grimpeur dans la voie, au plus près de l’action que je trouve le plus d’émotions dans mes images.
Lorraine Thiriot force dans Bobby Brown, 7c à Berdorf, Luxembourg.
Comment parviens-tu à rester créatif et innovant dans tes prises de vue ?
Je pense que j’essaye constamment de m’adapter à mon environnement et à toujours chercher quelque choses dans mon cadre qui va m’intéresser. Je suis toujours en quête d’un détail qui m’aurait échappé dans ma composition, et je cherche à améliorer chaque photo dans une même voie en essayant de trouver un point de vue inédit.
Comment tu t'assures de ne pas perturber l'expérience d'escalade tout en capturant des images ?
Quand les grimpeurs effectuent des essais pour enchaîner une voie, j’essaye d’être le plus discret possible pour ne pas les perturber. Ça peut passer par des détails comme shooter en silencieux, ou essayer de ne pas faire cogner mon matériel pour ne pas les perturber et les laisser dans leur bulle. J’anticipe systématiquement le passage des grimpeurs de sorte à ce que je ne sois pas dans leur patte lors de l’enchainement, et je discute de tout cela avec eux avant leur montée dans la voie, la base bien entendu.
Charlotte Frank dans les colonettes de Humildes Pa Casa, 8b+ à Oliana, Espagne.
Quels sont tes conseils pour trouver un équilibre entre la technique et l'aspect artistique ?
La technique est au service de l’artistique, et pas l’inverse. Je n’ai pas d’équilibre à ce niveau, et je pousse le curseur artistique à fond sans essayer de me concentrer sur la technique. Si la mise en place des cordes doit me prendre 2h avant le grimpeur, et de porter un gros téléobjectif pour tenter de réaliser l’image que j’ai en tête, et ben j’enfile mon baudrier et c’est parti !
Peux-tu partager une anecdote amusante ou intéressante liée à une de tes sessions de photographie d'escalade ?
En avril 2023 je shootais avec Leo Boe, un jeune grimpeur norvégien qui a passé l’été en Catalogne pour grimper. Le dernier jour de son trip avant de remonter en Norvège il met un dernier essai dans Esclatamasters, une superbe voie sur la falaise de Perles. Je suis au relais, boîtier dans une main, entrain d’abriter les réglettes du haut de la voie avec l’autre main, car Léo était en plein enchaînement et la pluie est arrivée lors de son run. Un enchaînement en équipe : un souvenir dont je me rappellerai longtemps !
Comment les réseaux sociaux ont-ils influencé ta manière de partager et de promouvoir ton travail de photographe d'escalade ?
C’est une bonne question, et je pense que les réseaux sociaux m’ont beaucoup influencé en toute honnêteté, j’essaye de m’en détacher le plus possible pour ne pas suivre un courant ou une mode. Parfois je remet mes images en question et je me concentre sur mes goûts, mes envies et mes idées. Je fais des images pour partager les aventures des grimpeurs, partager les endroits magnifiques dans lesquels j’ai la chance d’aller, mais certainement pas pour faire du buzz sur internet ou sur instagram. Je garde ça à l’esprit constamment. En revanche les réseaux sociaux me permettent aussi de contacter les grimpeurs et de promouvoir mon travail, il n’y a pas que du mauvais dans tout ça. Je consulte les réseaux de manière intelligente en essayant de m’inspirer du travail de mes collègues, des athlètes et de leurs projets innovants, des acteurs de l’escalade…
Quelles sont tes aspirations futures en tant que photographe spécialisé dans l'escalade ?
J’aimerais beaucoup travailler sur des projets typés “expédition”, l’aventure c’est vraiment quelque chose qui me parle et que je souhaite partager au travers de mes images. L’inexploré, l’inconnu sont des sujets que je souhaite aborder dans mes images, pourquoi pas réaliser des images d’équipement sur des falaises ou d’ouverture de grande voie sur des parois vierges ? L’aventure quoi !
Florian Gourges dans la L4 de Ali Baba, 8a+ max. 240m. Aiglun, France.
💬 : Émile Pino
📷 : Émile Pino
🗞 : GrimpActu.
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