Blessures au genou en escalade : causes, prévention et conseils d’experts
- GrimpActu
- il y a 27 minutes
- 5 min de lecture
Cet article est rédigé par : La Clinique de la Grimpe – Eliott Piguet, Olivier Lux et Paul Brasey
Blessures au genou en escalade : un sujet encore trop peu abordé
Bien que les blessures au genou ne représentent pas la majorité des cas en
escalade, elles constituent tout de même une part significative : environ 8 % des
blessures recensées dans la pratique du bloc.
Quand on évoque les traumatismes liés à la grimpe, on pense souvent en premier
lieu aux doigts, aux coudes ou aux épaules. Pourtant, les genoux sont eux aussi
fortement sollicités et peuvent subir des lésions parfois sérieuses. La complexité de
cette articulation, combinée aux contraintes spécifiques de l’escalade, en fait une
zone à ne pas négliger.
Cet article propose un tour d’horizon anatomique ainsi qu’une analyse des lésions
les plus fréquentes rencontrées chez les grimpeurs.

Rappel anatomique du genou
Le genou est une articulation charnière complexe, constituée de trois articulations
fonctionnant de manière coordonnée :
L’articulation fémoro-patellaire : entre le fémur et la rotule.
L’articulation tibio-fémorale : entre le fémur et le tibia.
L’articulation tibio-fibulaire : entre le tibia et la fibula, moins sollicitée mais
contribuant à la stabilité globale.
En escalade, le genou est fortement sollicité car il permet deux grands types de
mouvements essentiels :
Flexion / Extension : indispensables pour les poussées, les appuis, les high
steps, les poses de talon et les compressions sur volumes.
Rotation médiale / Rotation latérale : possibles uniquement lorsque le
genou est fléchi. En extension complète, la tension ligamentaire empêche
toute rotation. L’amplitude de rotation augmente avec la flexion, en particulier
la rotation latérale. Cette combinaison flexion importante associée à une
rotation latérale est fréquente en escalade, notamment lors des poses de talon
chargées ou des mouvements en torsion, et génère des contraintes
mécaniques élevées sur des structures comme le ménisque interne ou la
bande ilio-tibiale.
La stabilité articulaire du genou repose sur un équilibre entre structures passives et
actives. Parmi les structures passives, on retrouve :
Les ligaments majeurs :
o Ligament croisé antérieur (LCA)
o Ligament croisé postérieur (LCP)
o Ligament collatéral médial (LCM)
o Ligament collatéral latéral (LCL)
Les ménisques : interne et externe
Les ménisques jouent un rôle central dans la biomécanique du genou. Ils :
Améliorent la congruence entre les surfaces articulaires, optimisant la
répartition des charges.
Absorbent et dissipent les chocs, en particulier lors de contraintes axiales.
Renforcent la stabilité passive de l’articulation.
Facilitent le glissement du fémur sur le tibia et contribuent à stabiliser les
rotations tibiales.
Cependant, leur faible vascularisation réduit considérablement leur capacité de
cicatrisation. Ainsi, toute lésion méniscale constitue un problème sérieux, d’autant
plus chez les grimpeurs qui sollicitent régulièrement cette articulation.

Les contraintes induites par la grimpe sur le genou
On peut distinguer deux grandes catégories de contraintes :
1. Les contraintes directes, liées à des mouvements spécifiques en escalade.
2. Les contraintes indirectes, liées aux chutes et réceptions au sol.
1. Contraintes directes : mouvements spécifiques
Certains gestes techniques imposent au genou des charges mécaniques
importantes, en particulier sur les ménisques et les ligaments.

Les talons (heel hook)
Ce mouvement combine flexion et rotation externe du genou, créant une forte compression sur les ménisques surtout le ménisque interne et sollicitant intensément les ischio-jambiers.
À force de répétition, cela peut provoquer des douleurs irritatives
(syndrome de la bande ilio-tibiale, ou «essuie-glace » du grimpeur).
Dans les cas plus graves : risque de lésion du LCA, du ménisque
interne et du ligament collatéral latéral.
Les muscles ischio-jambiers sont aussi fréquemment concernés par
diverses blessures, notamment :
Des déchirures musculaires
Des tendinopathies
Les lolottes (drop knee)
La lolotte associe une rotation interne marquée de la hanche à une rotation
externe du tibia pour maintenir le centre de gravité proche du mur et réduire l’effort
des bras.
Ce mouvement place le genou dans une posture passive extrême, sollicitant
fortement les structures méniscales, en particulier le ménisque interne.
Lorsque la mobilité de la hanche ou l’amplitude en rotation tibiale sont
limitées, les contraintes sont transférées de manière excessive vers
l’articulation du genou, augmentant considérablement le risque de lésion.
Les positions articulaires induites par cette technique dépassent souvent les
amplitudes reproductibles en contrôle actif, ce qui rend l’articulation plus
vulnérable face aux charges et aux torsions.
Les high steps
Cette technique, qui consiste à placer un pied très haut, entraîne une flexion
maximale du genou, suivie d’un transfert de poids qui applique presque la totalité de
la charge corporelle sur l’articulation déjà fléchie au maximum. Cela génère une compression intense sur les ménisques, surtout si l’appui est maintenu ou dynamique.
Contraintes indirectes : les chutes
Les chutes, qu’elles soient mal contrôlées ou provoquées par un pied qui glisse,
peuvent entraîner des lésions multiples :
Ménisques.
Ligaments collatéraux.
Ligament croisé antérieur.
Ces blessures sont souvent plus graves que celles provoquées directement par un
mouvement technique sur le mur.
D’ailleurs, une large proportion des ruptures du LCA survient lors d’atterrissages
mal maîtrisés, en particulier en bloc.
Prendre en charge rapidement une blessure au genou
Lorsqu’une blessure au genou survient en escalade, il est essentiel de ne pas la
négliger. Le principal risque est qu’elle devienne chronique, ce qui limiterait non
seulement vos performances, mais entraînerait aussi douleurs persistantes et
frustration. C’est pourquoi il est important de prendre la situation au sérieux dès le
début, en consultant un professionnel de santé. Celui-ci pourra répondre à vos
questions, poser un diagnostic précis et vous accompagner efficacement tout au long
du processus de guérison.
Prévention des blessures au genou
Le travail de renforcement musculaire, notamment des quadriceps et des ischio-
jambiers, est essentiel pour limiter le risque de blessures au genou en escalade. Il
permet d’améliorer la stabilité articulaire, d’équilibrer les forces autour du genou, et
de mieux supporter les contraintes liées aux mouvements spécifiques de la grimpe.
Par ailleurs, il est pertinent d’intégrer un travail régulier de mobilité de la hanche et du
genou, notamment en ce qui concerne les rotations. Un échauffement spécifique
comprenant des mouvements tels que le squat et le bridge permet de préparer
efficacement ces articulations, améliorer leur amplitude de mouvement et renforcer
leur stabilité, réduisant ainsi le risque de blessures.

➡️ Sources
Arundale, A. J. H., Bizzini, M., Giordano, A., Hewett, T. E., Logerstedt, D. S.,
Mandelbaum, B., Scalzitti, D. A., Silvers-Granelli, H., & Snyder-Mackler, L. (2018).
Exercise-based knee and anterior cruciate ligament injury prevention: Clinical
practice guidelines linked to the International Classification of Functioning, Disability
and Health from the Academy of Orthopaedic Physical Therapy and the American
Academy of Sports Physical Therapy. Journal of Orthopaedic & Sports Physical
Therapy, 48(9), A1–A42. https://doi.org/10.2519/jospt.2018.0303
Buzzacott, P., Schöffl, I., Chimiak, J., & Schöffl, V. (2019). Rock climbing injuries
treated in US emergency departments, 2008-2016. Wilderness & Environmental
Medicine, 30(2), 121–128.
Lutter, C., Tischer, T., Cooper, C., Frank, L., Hotfiel, T., Lorzt, R., & Schöffl, V. (2020).
Mechanisms of acute knee injuries in bouldering and rock climbing athletes. The
American Journal of Sports Medicine. Advance online publication.
Sabbagh, R. S., Hoge, C. G., Kanhere, A. P., Coscia, A. C., & Grawe, B. M. (2022).
The epidemiology of indoor and outdoor rock climbing injuries presenting to USA
emergency departments. The Journal of Sports Medicine and Physical Fitness, 62(8),
Schöffl, V., Lutter, C., & Popp, D. (2016). The "heel hook"—a climbing-specific
technique to injure the leg. Wilderness & Environmental Medicine, 27(2), 294–301.
Schöffl, V., Popp, D., Kupper, T., & Schöffl, I. (2015). Injury trends in rock climbers:
Evaluation of a case series of 911 injuries between 2009 and 2012. Wilderness &
Environmental Medicine, 26(1), 62–67.
Visible Body. (2025). Atlas body anatomy [Application mobile]. Visible Body.
Commentaires