Ian Elliott, 72 ans, escalade du 7c à Mount Coolum : un exemple inspirant
- GrimpActu
- 5 août
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 25 août
À 72 ans, Ian Elliott continue d’enchaîner des voies que bien des trentenaires redoutent. Récemment, il a réussi Call of Duty, une ligne physique et déversante cotée 7c dans la grotte de Mount Coolum, sur la côte est australienne. Mais plus que la performance, c’est l’homme qui intrigue : sa présence sereine sur le rocher, sa lucidité sur l’âge, son amour intact pour l’effort et la nature.
Alors on a voulu en savoir plus. On a pris contact avec Ian. Et il a accepté de répondre à nos questions avec la même humilité qu’il dégage sur la paroi.
Son histoire, touchante et inspirante, a d’ailleurs fait l’objet d’un court-métrage émouvant signé Matt Raimondo, sobrement intitulé IAN, et disponible sur YouTube.
Ce qui suit n’est pas une simple interview, mais un portrait de ce grimpeur hors normes. Un homme qui grimpe depuis seulement vingt ans, mais dont l’histoire est profondément ancrée dans le rocher et dans le cœur de ceux qui croisent sa voie.

Des sentiers sauvages à la paroi
Avant l’escalade, Ian arpentait les terres sauvages d’Australie sac sur le dos, dans des zones reculées, guidé par une carte et une boussole. L’aventure y était brute, souvent sans sentiers, avec des approches physiques et des terrains escarpés. “Je ne vois pas cela comme un désavantage. J’étais déjà fort physiquement, et j’aimais être dehors.”
L’escalade n’a donc pas été une rupture, mais une continuité.
Son rapport au corps, lui, n’a pas changé : “Grimper n’a pas transformé ma relation avec mon corps, mais a modifié ma manière de m’entraîner.” Transporter un sac de 25 kilos dans les montagnes n’implique pas la même endurance que celle demandée sur des voies déversantes. Alors Ian adapte, s’entraîne, non pas pour être plus fort, mais pour ralentir le déclin inévitable.
Vieillir, mais continuer à grimper
Lucide, Ian n’idéalise pas la vieillesse. “Avec l’âge, viennent des limitations… mais on ne les connaît pas tant qu’on n’essaie pas.” Pour lui, grimper, c’est tester ses propres frontières, découvrir où elles se situent, et chercher à les repousser. “On peut toujours repousser ces limites. Le défi fait partie d’un parcours personnel qui est différent pour chaque grimpeur..”
Il grimpe pour rester actif, mais surtout pour rester connecté à la nature. “Si je ne grimpais pas, je ferais autre chose qui m’amènerait dehors.” À Mount Coolum, la grimpe est aussi une affaire de lien humain : “Le temps de repos est un moment social, on échange, on se soutient.” Là-bas, il n’y a pas de compétition, seulement du respect, de l’humilité et la joie partagée d’être sur le rocher.

Le présent absolu
Pour Ian, l’escalade, c’est la pleine présence. “Quand tu grimpes, tout le reste devient secondaire.” L’instant prend toute la place, entre équilibre, respiration, économie de mouvement. “Je grimpe à une vitesse qui me permet d’atteindre mon objectif. Si je vais trop vite, je me grille.”
Mais qu’importe la difficulté. Ce qu’il cherche, c’est le plaisir, l’élan, le mouvement : “Les voies dures sont des projets que tu espères un jour réussir proprement. Les voies faciles, ce sont des moments de fluidité, où tu entres dans le rythme. Dans les deux cas, tu ressens une satisfaction. Et peu importe ton niveau, l’escalade te donne un sentiment de soi.”
Avec l’âge, le rythme change, les ambitions aussi. “La lenteur finit par t’habiter. Pour aller au bout, il faut se ménager. Je sais que je n’irai jamais aussi vite qu’il y a trente ans, mais je peux probablement toujours y arriver. Il faut juste avancer plus lentement.”
Une passion qui n’a pas d’âge
Ce qu’il aime, avant tout, c’est grimper. “Cela me donne un sentiment d’accomplissement. Même si tu es fatigué en fin de journée, c’est une bonne fatigue.” Ce que son corps ne peut plus faire avec la même explosivité, il le compense par l’entraînement et la connaissance de soi. “Je garde la force, mais pas toujours l’endurance. Sans entraînement, je ne pourrais plus grimper dans les dévers.”
Mount Coolum est devenu son refuge. À 15 minutes de chez lui, cette grotte au bord de l’océan rassemble une communauté bienveillante. “Pas besoin de partenaire fixe : tout le monde se soutient. Il n’y a pas d’ego. Chacun grimpe pour soi, et la réussite de l’un est célébrée par tous.” Là-bas, les faucons pèlerins planent au-dessus de la mer, les vagues frappent la côte, et Ian grimpe, entouré de ses pairs.
L’escalade a aussi été, pour Ian, un moyen d’alignement intérieur. “J’ai toujours été heureux avec qui je suis et ce que j’ai. Grimper prolonge cette paix intérieure. Ce n’est pas seulement une activité physique, c’est une manière d’être au monde.”

“Il faut faire entendre sa présence”
"Je pense qu’en vieillissant, il faut faire entendre sa voix sinon on devient invisible."
Ce que Ian regrette, c’est que la société moderne laisse peu de place aux personnes âgées. “On les met de côté, dans une époque obsédée par la jeunesse et la beauté.” Pourtant, beaucoup d’entre eux sont actifs, inspirants, mais invisibles car loin des réseaux sociaux. “Notre époque était différente. On savait ce qui comptait : la famille, les amis, et partager des activités avec des gens qui nous ressemblent.”
Son amour de la nature vient de là. Pas de stades ni de sports organisés dans son enfance, mais des week-ends à explorer les parcs nationaux. Un goût pour la liberté qui, avec le temps, s’est transformé en passion pour l’escalade.
Et cette passion, Ian la partage, parce qu’elle peut éclairer le chemin d’autres.
“En partageant ce qu’on accomplit, on peut inspirer. Montrer que l’âge n’est pas une limite.” Certains jeunes grimpeurs lui ont confié qu’il leur montrait qu’ils pourraient grimper toute leur vie, tant qu’ils en ont envie. Ian nous rappelle que vieillir, ce n’est pas reculer, mais avancer autrement. Que le corps change, mais que l’élan peut rester intact. Avec un peu de roche, d’amis fidèles, et l’horizon en ligne de mire, il continue de tracer sa voie, une voie où le plaisir d’être là l’emporte toujours sur la performance.
✍️ : Théo de GrimpActu
💬 : Ian Elliott
📷: Matt Raimondo
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