Laura Rogora : entre ascensions historiques et recherche de liberté
- GrimpActu

- 6 nov.
- 8 min de lecture
Dernière mise à jour : 9 nov.
Saint-Léger-du-Ventoux, France.
Quelques jours de pluie, un ciel gris… et pourtant, sur la roche, Laura Rogora semble en pleine lumière. En l’espace de quelques jours, l’Italienne enchaîne Le Cadafist (9a), Supercrackinette (9a+), La Castagne (9a+) et plusieurs voies dans le huitième degré — dont Les petits chefs du néant (8c) et Le Concept (8b+).
Et comme si ce séjour déjà hors norme ne suffisait pas, elle le conclut par un nouvel exploit historique : La Ligne Claire (8c+) à vue. Une performance rarissime — seuls deux grimpeurs avant elle, Adam Ondra et Alex Megos, ont signé deux 8c+ à vue dans leur carrière.
Quelques jours plus tôt, en Italie, Laura réalisait la première ascension de L’Ultimo Ruggito (9a), après avoir, en juillet dernier, repoussé la limite féminine de l’escalade à vue avec Ultimate Sacrifice (8c+) dans les Gorges du Loup, depuis rejoint par Janja Garnbret.
Entre humidité, patience et détermination, la grimpeuse italienne a transformé un séjour pluvieux en démonstration d’équilibre et de maturité. Mais derrière ces chiffres et cette régularité hors norme, une question demeure : que ressent-on quand l’exception devient la norme ?

Supercrackinette, Le Cadafist, La Castagne : la cadence incroyable
« Mes premiers jours à Saint-Léger étaient assez pluvieux », raconte-t-elle.
La falaise provençale dégoulinait d’humidité, les prises glissaient, la corde s’alourdissait. Seule Supercrackinette restait vaguement grimpable. Laura s’y engage, repère les mouvements, tombe les mains trempées… et revient. Le troisième jour, enfin sec : elle clippe la chaîne. Supercrackinette, 9a+, pliée à la deuxième tentative du jour.
Peu après, elle s’attaque à Le Cadafist (9a). Là encore, les conditions sont loin d’être idéales.« La pince du crux était encore humide, mais je savais que c’était possible. J’ai essayé quand même, et à ma grande surprise, c’est passé. »
Puis viennent L’Enfumette (8c+) au troisième essai, Le Concept (8b+) à vue, et d’autres lignes avalées avec la même précision tranquille. La cadence Rogora est lancée : rapide, fluide, presque détachée.
Quand l’exception devient la norme
Dans les jours qui suivent, La Castagne (9a+) tombe à son tour, après deux jours de travail. Puis Les petits chefs du néant (8c), presque à vue.À ce stade, ce qui impressionne n’est plus seulement la difficulté, mais la constance.Le rythme semble inhumain, mais Laura reste ancrée :
« Chaque enchaînement reste intense. Si je commence à m’habituer, je me fixe simplement des objectifs plus hauts. »
Pas de griserie, pas d’excès : chez elle, la performance est un langage, pas une fin.
“On ne contrôle pas le flow, on l’invite”
Derrière la précision presque chirurgicale de ses mouvements, il y a aussi une grande humilité face à l’imprévisible.Quand on lui parle de cette impression de fluidité qui semble la porter, Laura répond simplement :
« On peut se préparer — entraîner son corps, sa concentration, sa patience — mais on ne peut pas forcer le flow. Il se produit quand tout ce sur quoi tu as travaillé rencontre le bon moment. Tu peux l’inviter, mais pas le contrôler. »
Ces mots traduisent un rapport presque méditatif à la grimpe, loin du calcul et des attentes.« Oui, j’ai un peu peur que tout s’arrête un jour, mais ce que j’aime vraiment, c’est le processus — le combat, l’apprentissage. Même si les résultats disparaissent, il me restera toujours ça. »

La Ligne Claire : un 8c+ à vue, le jour parfait
Dernier jour du trip. Le ciel s’ouvre, la roche sèche : La Ligne Claire. Trente mètres d’intensité continue, une succession de crux techniques, des arquées fines et exigeantes. Laura grimpe posée, sans hâte, portée par une concentration totale.
« Après avoir enchaîné mon premier 8c+ à vue cet été, je pensais qu’il serait difficile d’égaler ce résultat. Je n’aurais jamais imaginé pouvoir le refaire quelques mois plus tard ! »
Elle clippe la chaîne : La Ligne Claire, 8c+ à vue. Son deuxième de la saison.
Un geste simple, un exploit immense.
Curiosité, le vrai moteur
Ce qui pousse Laura, ce n’est pas la cotation — c’est la curiosité.
« Chaque ligne a sa propre histoire, ses propres mouvements. Ce que j’aime, c’est comprendre comment mon corps s’inscrit dans la roche. C’est de là que vient la fraîcheur. »
Quand elle parle ainsi, tout s’éclaire : le sommet n’est pas une fin, mais un prétexte à explorer.« Parfois, je me sens même plus satisfaite sur des voies plus faciles à vue, parce que c’est le combat qui compte. »
Libre, même au sommet
Discrète, Laura ne cherche ni symbole ni projecteur.« Je ne cherche pas l’attention médiatique, mais ce n’est pas parce que j’aime la solitude. J’aime partager des journées de grimpe avec des amis, ou même avec des gens rencontrés au pied des voies. »
Quant aux discussions sur la différence de niveau entre hommes et femmes, elle les balaie d’une réponse honnête :
« Je suis fière si ce que je fais peut inspirer d’autres personnes, mais je ne grimpe pas pour ça. Penser à des comparaisons rendrait tout plus lourd. Je préfère me concentrer sur mon propre chemin — si cela aide d’autres à repousser leurs limites, c’est magnifique. »
Dernier jour en France : une explosion de performances
Le dernier jour en France s’est déroulé de manière inattendue pour Laura.
Prévue pour se reposer et passer un moment tranquille avec ses amis, elle n’a pas pu résister à l’appel du mur de Lourmarin. Résultat : une journée de grimpe mémorable, marquée par ces enchaînements à vue exceptionnels :
Pâques Express 8c
Combat libre intégrale 8c
Vous êtes des animaux 8b
Playboy L2 8a
Une conclusion parfaite pour un séjour déjà extraordinaire, qui illustre à nouveau sa constance et sa maîtrise impressionnante sur la roche. À 24 ans, Laura Rogora grimpe plus haut et plus fort que jamais. Et pourtant, ce qu’elle cherche désormais ne se mesure pas en cotations.
« J’aimerais atteindre un point où je peux donner le meilleur de moi-même sans tension, sans besoin de prouver quoi que ce soit — surtout à moi-même. Juste grimper, dans une liberté totale. »

Versione italiana
Saint-Léger-du-Ventoux, Francia
Alcuni giorni di pioggia, un cielo grigio… eppure, sulla roccia, Laura Rogora sembra essere immersa nella luce. Nel giro di pochi giorni, l’italiana ha realizzato Le Cadafist (9a), Supercrackinette (9a+), La Castagne (9a+) e diverse vie nell’ottavo grado — tra cui Les petits chefs du néant (8c) e Le Concept (8b+).
E come se questa permanenza straordinaria non fosse già sufficiente, la conclude con un nuovo exploit storico: La Ligne Claire (8c+) a vista. Una performance rarissima — prima di lei, solo due scalatori, Adam Ondra e Alex Megos, hanno completato due 8c+ a vista nella loro carriera.
Pochi giorni prima, in Italia, Laura aveva realizzato la prima salita di L’Ultimo Ruggito (9a), dopo averlo scorso luglio spinto il limite femminile dell’arrampicata a vista con Ultimate Sacrifice (8c+) nelle Gorges du Loup, record poi eguagliato da Janja Garnbret.
Tra umidità, pazienza e determinazione, l’arrampicatrice italiana ha trasformato un soggiorno piovoso in una dimostrazione di equilibrio e maturità. Ma dietro questi numeri e questa costanza straordinaria, rimane una domanda: cosa si prova quando l’eccezione diventa la norma?

Pioggia, calcare e pazienza
«I primi giorni a Saint-Léger erano abbastanza piovosi», racconta.
La falesia provenzale era tutta bagnata, le prese scivolose, la corda pesante. Solo Supercrackinette era vagamente scalabile. Laura ci si impegna, individua i movimenti, cade con le mani bagnate… e ritorna. Il terzo giorno, finalmente asciutto: cala la catena. Supercrackinette, 9a+, chiusa al secondo tentativo della giornata.
Poco dopo si dedica a Le Cadafist (9a). Anche in questo caso, le condizioni sono tutt’altro che ideali. «La pinza del crux era ancora umida, ma sapevo che era possibile. Ho provato comunque e, con mia grande sorpresa, è andata.»
Poi arrivano L’Enfumette (8c+) al terzo tentativo, Le Concept (8b+) a vista, e altre linee affrontate con la stessa precisione tranquilla. Il ritmo di Rogora è lanciato: rapido, fluido, quasi distaccato.
Quando l’eccezione diventa la norma
Nei giorni successivi, cade anche La Castagne (9a+), dopo due giorni di lavoro. Poi Les petits chefs du néant (8c), quasi a vista. A questo punto, ciò che impressiona non è più solo la difficoltà, ma la costanza. Il ritmo sembra inumano, ma Laura resta ancorata:
«Ogni salita rimane intensa. Se comincio ad abituarmi, mi fisso semplicemente obiettivi più alti.»
Niente euforia, niente eccessi: per lei, la performance è un linguaggio, non un fine.
“Non si controlla il flow, lo si invita”
Dietro la precisione quasi chirurgica dei suoi movimenti, c’è anche grande umiltà davanti all’imprevedibile. Quando le si parla di quella fluidità che sembra sostenerla, Laura risponde semplicemente:
«Ci si può preparare — allenare il corpo, la concentrazione, la pazienza — ma non si può forzare il flow. Accade quando tutto ciò su cui hai lavorato incontra il momento giusto. Lo puoi invitare, ma non controllare.»
Queste parole tradiscono un rapporto quasi meditativo con l’arrampicata, lontano da calcoli e aspettative. «Sì, ho un po’ paura che tutto possa fermarsi un giorno, ma ciò che amo veramente è il processo — la lotta, l’apprendimento. Anche se i risultati sparissero, mi resterebbe sempre questo.»

Il giorno perfetto
Ultimo giorno del viaggio. Il cielo si apre, la roccia asciuga: La Ligne Claire. Trentametri di intensità continua, una successione di crux tecnici, archeggi sottili e impegnativi. Laura scala calma, senza fretta, guidata da una concentrazione totale.
«Dopo aver chiuso il mio primo 8c+ a vista quest’estate, pensavo sarebbe stato difficile eguagliare quel risultato. Non avrei mai immaginato di poterlo rifare pochi mesi dopo!»
Scala la catena: La Ligne Claire, 8c+ a vista. Il suo secondo della stagione.
Un gesto semplice, un exploit immenso.
Curiosità, il vero motore
Ciò che spinge Laura non è la quotazione — è la curiosità.
«Ogni linea ha la sua storia, i suoi movimenti. Ciò che amo è capire come il mio corpo si inserisce nella roccia. Da lì nasce la freschezza.»
Quando parla così, tutto si illumina: la vetta non è un fine, ma un pretesto per esplorare. «A volte mi sento persino più soddisfatta su vie più facili a vista, perché conta la lotta.»
Libera, anche in vetta
Discreta, Laura non cerca né simboli né riflettori.
«Non cerco l’attenzione mediatica, ma non perché ami la solitudine. Amo condividere giornate di arrampicata con amici, o anche con persone incontrate ai piedi delle vie.»
Quanto alle discussioni sulla differenza di livello tra uomini e donne, le spazza via con una risposta sincera:
«Sono felice se ciò che faccio può ispirare altre persone, ma non arrampico per questo. Pensare a confronti renderebbe tutto più pesante. Preferisco concentrarmi sul mio percorso — se questo aiuta altri a superare i propri limiti, è magnifico.»
Ultimo giorno in Francia: un’esplosione di prestazioni
L’ultimo giorno in Francia si è svolto in modo inaspettato per Laura.
Prevista per riposarsi e trascorrere un momento tranquillo con gli amici, non ha potuto resistere al richiamo del muro di Lourmarin. Risultato: una giornata di arrampicata memorabile, segnata da queste eccezionali salite a vista:
Pâques Express 8c
Combat libre intégrale 8c
Vous êtes des animaux 8b
Playboy L2 8a
Una conclusione perfetta per un soggiorno già straordinario, che illustra ancora una volta la sua costanza e la sua impressionante padronanza sulla roccia. A 24 anni, Laura Rogora arrampica più in alto e più forte che mai. Eppure, ciò che cerca ora non si misura più con le difficoltà.
« Vorrei raggiungere un punto in cui posso dare il meglio di me stessa senza tensione, senza bisogno di dimostrare nulla — soprattutto a me stessa. Solo arrampicare, nella totale libertà. »

✍️: Théo de GrimpActu














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