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Zahir en style Écopoint avec Eline Le Menestrel et Katherine Choong

  • Photo du rédacteur: GrimpActu
    GrimpActu
  • 2 oct.
  • 7 min de lecture

Dernière mise à jour : 6 oct.

Zahir fait partie d’une imposante face dans le massif des Wendenstöcke. Située un peu au-dessus de la vallée de Gadmertal en Suisse, cette ligne est la plus exigeante en termes de cotation de ce massif. Après une approche longue et exposée pour parvenir à la paroi, ce n’est pas moins de 300 mètres et huit longueurs, dont une en 8b+, que se sont données pour objectif d'enchaîner Eline Le Menestrel et Katherine Choong. Cette dernière, encouragée au mieux par Eline, finit par réussir au bout de quinze jours. Mais c’était à une condition, d’y aller en style « Ecopoint ». Un concept que Katherine n’avait d’ailleurs pas expérimenté auparavant, contrairement à Eline qui en fait son mode de vie. Bien que le style « Ecopoint » suggère de nombreuses contraintes, ces deux grimpeuses prouvent que cette manière de voyager peut totalement se conjuguer à la notion même de performance. Un récit inspirant qui se concrétise en film par Julien Nadiras.


Zahir Écopoint
@Julien Nadiras

Le style Écopoint : quand escalade rime avec mobilité durable 

Vous vous demandez peut-être ce que signifie le terme d '« Ecopoint » ? Bien qu’il ait une histoire plus longue, ce concept est né tout récemment en 2020​. Il ne traduit pas uniquement l’acte de réussir une ascension, mais la manière de se déplacer pour se rendre au lieu de cette dernière. Le terme « redpoint », c’est-à-dire le fait d’enchainer une voie après travail, laisse sa place à « Ecopoint », dont l'enchaînement n’est accepté que dans le cas où chaque tentative est effectuée par des moyens respectueux de l’environnement. Plus précisément, cela demande de repenser nos moyens d’accès à la falaise puisque 70% de l’impact carbone du grimpeur provient du transport. Elles ont donc opté pour le train et le vélo.


Un voyage à contre-courant vers la falaise

Effectivement, ces deux grimpeuses l’ont bien compris en préparant leur monture. C’était environ 30 kg chacune qu’elles devaient porter sur leur vélo jusqu’à la falaise. Chaque petite chose compte, chaque gramme pèse. Que ce soit pour le confort, l’alimentation ou le matériel, tout doit être compté, planifié et optimisé au mieux.

Du village au campement de la falaise, ce n’est pas moins de 23 kilomètres et 1200 mètres de dénivelé positif qui les attendaient avec ce chargement. Mais cela n’est pas le seul impact. Le confort est mis de côté pour ne garder qu’une tente et une alimentation bien définie au préalable : « On n’avait pas tout le choix, on a mangé beaucoup de polenta et des lyophilisés. » nous confie Eline. Il faut trouver des aliments à la fois légers et assez nutritifs pour tenir les jours. Tout déplacement a un coût. Y a-t-il même un jour de repos si l’on sait qu’il s’agit aussi du moment pour elles de reprendre le vélo afin de recharger les provisions au village ? Le manque de confort allié aux essais dans la voie contribue d’autant plus à diminuer la forme physique et mentale au fur et à mesure que les jours passent. Mais cela ne les empêche pas de rester 19 jours là-haut, en face à face avec Zahir. Cette façon de voyager devient nécessaire pour Eline. C’est notamment pour elle un moyen de se rendre compte du lieu dans lequel on se trouve. On n’y passe plus seulement, on le ressent.


Ainsi, ce style a pour but de sensibiliser et promouvoir une pratique durable basée sur une réduction drastique de la consommation en carburant. Cela permet de véhiculer l’idée même que le résultat de performance est redéfini. Le processus d'enchaînement et le cheminement pour y arriver deviennent des facteurs pris en compte pour définir ce que l’on considère comme une performance.

 

Autrement dit, pour Eline et Katherine, leur objectif ne réside plus seulement dans la réussite de l'enchaînement de la voie, mais dans une motivation plus globale d’y parvenir en mobilité douce (vélo, marche, transports en commun, auto-stop). Alors que seule la voie comptait auparavant, ce style d’ « Ecopoint » change beaucoup de choses lors de la préparation ainsi que durant le séjour. L’engagement est beaucoup plus important. D’un engagement moral, cela devient aussi un engagement mental et sportif.


Zahir Écopoint
@Julien Nadiras

Zahir : une grande voie exigeante au cœur des Alpes suisses

Zahir est une grande-voie alpine de 300 mètres de haut découpée en neuf longueurs (6c, 8a+, 8b+, 7c, 7A+, 7b, 7b+, 6c). Elle ne passe pas inaperçue puisqu’elle est l’une des exigeantes des Alpes suisses. Équipée entre 1996 et 2004 par les Suisses Iwan Wolf et Gunther Habersatter, elle est de ces lignes éprouvantes, tant physiquement que psychologiquement. En effet, si la première cotation semble sans difficulté, elle donne directement le ton avec le premier point situé à 15 mètres dans une dalle. S'ensuit tout au long de la grande-voie des passages exposés où le mental est mis à rude épreuve. 

 

Le déchiffrement du 8b+ n’a pas été chose aisée. Ce n’est qu’au bout du sixième jour que les deux grimpeuses finissent par déchiffrer tous les mouvements de la voie. Cette incertitude à répéter inlassablement cette longueur durant six jours inflige un coup au moral, mais aussi aux doigts. En effet, une des plus grandes difficultés résidait dans la gestion de la peau, comme le souligne Katherine : « La longueur clé de Zahir, le 8b+, est une section d’environ 20-25 mètres avec des prises minuscules comme des lames de rasoir. Ça fait extrêmement mal à la peau, et la douleur est un facteur limitant majeur pour travailler la voie ! ». Au fil des jours et des essais, chaque mouvement sur ces petits bouts de caillou valait son importance et influait sur la performance. 

 

Si les longueurs d’après paraissent moins difficiles, le ressenti n’est pas le même. Entre 6c et 7b+, les points sont très espacés. La peur est définitivement là. On pourrait penser qu’à force de côtoyer les grandes hauteurs en grande-voie, cette appréhension du vide disparaît. Mais ce n’est pas le cas. Elle est bien là. Enfouie quelque part, ce sont dans ces moments de fatigue et d’incertitudes que ce malaise du vide refait surface. Il faut rester concentré jusqu’au bout. Souffler. Ne pas se précipiter. Et bien grimper pour espérer gérer le stress et ne pas tomber dans des sections moins dures sur le papier. 

 

Au bout du quinzième jour, Katherine finit par réussir toutes les longueurs et atteint la fin de Zahir. C’est une immense joie pour la grimpeuse suisse qui s’est battue sans relâche malgré la fatigue des jours d’avant. C’est une victoire qu’elle doit à sa partenaire de grimpe : « Je sais que je peux lui faire confiance à 100 %. Avec quelqu’un d’autre, cela n’aurait clairement pas été pareil. Je lui dois cet enchaînement, sans aucun doute. » Si Eline ne parvient pas à l’enchainer, il en ressort une belle réussite collective. Les efforts combinés de chacune et leur admiration l’une envers l’autre procurent toujours davantage de motivation à chercher les limites. Il est rapide de penser que les compromis à effectuer pour s’implanter dans une démarche durable deviennent trop épuisants pour arriver à performer. Elles prouvent le contraire.



Zahir Écopoint
@Julien Nadiras

Un film pour raconter une performance durable et humaine

Fort d’inspiration, ce récit au sein du massif des Wendenstöcke prend place au sein de nombreux festivals sous forme de film. Sous l'œil du vidéaste et grimpeur Julien Nadiras, ce court-métrage a pour vocation de comprendre un peu mieux l’intention d’Eline et Katherine en s'aventurant dans un lieu aussi austère. Plus qu’un film centré sur la performance, ce dernier retrace leur parcours du début à la fin de leur séjour, des moments difficiles aux instants de joie intense : « Le fait d’y aller à vélo change l’approche du film, montrer leur approche à vélo est une partie importante tout comme leur complicité » explique Julien Nadiras. C’est dans cette ambiance qu’une chanson est née. Les deux amies nous dévoilent leurs doutes et leurs incertitudes, mais aussi ce qu’elles recherchent en se fixant un tel projet en style « Ecopoint ». Ainsi, elles appellent à essayer et à proposer de nouvelles façons de vivre nos pratiques en meilleure adéquation avec nos valeurs et plus respectueuses de l’environnement. Au vu de ce film, je me suis demandé si le parcours n’était-il pas plus beau que le résultat ? Le chemin emprunté pour atteindre le but n’est-il pas devenu lui-même l’objectif principal ?


Redéfinir la performance en escalade grâce à l’Écopoint

Elles ont montré à elles deux que la performance pouvait avoir sa place dans une démarche durable. Pensez-vous toujours que le style « Ecopoint » exclut de son langage le champ lexical de la performance ? 

Si l’on prend la performance comme une réussite et un exploit, ne serait-ce finalement pas cela la performance ? Celle de créer des exploits par un engagement total. Cela commencera dans un premier temps par un engagement moral afin d’agir en accord avec ses valeurs. Se sentir en adéquation avec ses convictions est peut-être la chose la plus importante qu’une personne peut souhaiter. Et si c’était possible de conjuguer nos valeurs avec nos pratiques ? Cela paraît parfois impossible ou irréalisable, ou seulement trop compliqué vis-à-vis de l’objectif prévu. Pourtant, on est souvent étonné des ressources que l’on a, de l'énergie que l’on peut puiser pour atteindre un objectif qui nous tient à cœur. Le résultat serait-il aussi beau sans processus ? Le sommet n’est-il pas plus apprécié après un long chemin éprouvant dans un lieu que l’on apprend à connaître ? Chaque chemin propose son histoire et devient presque plus important que le but. De ce fait, ajouté à l’engagement moral, il s’agit de s’impliquer dans un engagement mental et sportif où l’on interroge notre place au sein de l’environnement ainsi que le fonctionnement de notre corps face aux épreuves. Cette démarche devient un moyen de se découvrir, de se comprendre soi-même et de chercher des sensations fortes autant émotionnellement que physiquement. C’est peut-être tout simplement cela que sont allées chercher Eline et Katherine en se donnant pour objectif d'enchaîner Zahir en style « Ecopoint ». Elles savaient que les conditions allaient être difficiles et que le processus allait être long. Ces deux grimpeuses ne sont probablement pas allées chercher uniquement une voie, mais un voyage total.


Zahir Écopoint
@Julien Nadiras

Liste des festivals projetant Zahir (sujette à être complétée au fur et à mesure des confirmations de sélection)

 

Tour : Montagne en scène 11.2025 – 01.2026


A venir

Dijon Écran Aventure 10.10.2025

Inkafest Mountain Film 14-25.10.2025

Festival Image Montagne 31.10.2025

Rencontres Ciné Montagne 07.11.2025

Graz Mountain Film 11-15.11.2025

Femmes en Montagnes 15.11.2025

Alpin Mountain film festival Romania 15-21.11.2025

Festival du film international de montagne d'Autrans 3-7.12.2025

HoryZonty Festival Slovakia 6-8.11.2025



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